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Ça n’arrive pas souvent que le journalisme international et le journalisme scientifique se rejoignent. D’un autre côté, ça n’arrive pas souvent non plus qu’un journaliste s’engage dans un reportage de sept ans et 37 000 km... à pied.

L’Américain Paul Salopek, deux fois gagnant du prestigieux prix Pulitzer, qui a couvert la guerre dans les Balkans, en Somalie, en Afghanistan et en Irak, qui a été emprisonné plus d’un mois au Soudan en 2006, s’engage en effet dans une aventure journalistique peu commune. Loin du récit de voyage que quantité de marcheurs —et de cyclistes, comme l’auteur de ces lignes— ont écrit avant lui, Salopek va laisser à l’histoire, s’il se rend jusqu’au bout de ses sept années, un véritable portrait anthropologique, sociologique, politique, de notre planète entre 2013 et 2019.

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En partie parce qu’il a la technologie et les médias de son côté : il va notamment écrire des reportages pour le National Geographic —avec qui il a une entente pour les deux premières années— et il sera multiplateformes. Une de ses ambitions est, tel un scientifique, de « prélever six échantillons » tous les 100 milles (160 km) : son ambiant, photos, vidéo, et une entrevue avec littéralement quiconque sera à la portée du micro.

Son voyage en soi me fascine. Mais le parcours choisi me fascine aussi parce qu’il offre cette possibilité, plutôt rare en journalisme, de connecter, à travers cette accumulation de reportages, la science et l’actualité : son parcours, c’est celui suivi par les premiers humains après leur départ d’Afrique, il y a 60 000 ans. D’où le nom de son projet, Out of Eden .

Il doit commencer son périple en janvier en Éthiopie, là où l’humanité a émergé, et traverser la péninsule arabique et le Moyen-Orient —passant par l’Iraq, l’Iran, le Pakistan et l’Afghanistan— puis l’Asie du sud et une partie de la Chine, jusqu’en Sibérie pour traverser en Alaska et descendre les Amériques jusqu’au sud. Dans ses mots:

La base de ce projet, c’est de raconter des histoires. Nous sommes une espèce de raconteurs d’histoires. À une époque où l’information —le cycle des nouvelles— a accéléré au point d’en être presque incohérent, ce projet vise à ralentir un peu les choses, en se glissant au travers des événements à une vitesse de 5 kilomètres à l’heure, en utilisant le panorama de l’histoire longue pour découvrir des significations cachées, des contextes plus larges.

Aussi fou que cela semble comme projet, difficile de nier qu’un peu « d’histoire longue » et de « contextes plus larges » ne soit pas salutaire, à l’ère de Twitter...

Je me suis dit, pourquoi ne pas utiliser cette expérience acquise au cours des 15 dernières années [comme correspondant à l’étranger] pour en tirer un projet personnel? Un projet qui pourrait ajouter une couche de compréhension aux informations internationales, une chose qui manque dans notre métier parce que les médias sont devenus si fragmentés.

Il voyagera en solo, mais il a aussi un réseau de contacts pour que ses deux premières années soient relativement planifiées —reportages prévus, routes à suivre— avec une aide financière du Pulitzer Center on Crisis Reporting et de la Fondation Knight. Au-delà de 2014, c’est plus flou, pour tenir compte de la volatilité de l’information internationale, dit-il.

Une inconnue mineure : s’il se rend jusqu’en Patagonie, quelle technologie utilisera-t-il en 2019? Après tout, bien peu de journalistes auraient prévu utiliser nos téléphones ou nos tablettes il y a sept ans...

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