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Séance terminée. Le film? Pas pire. On en discutera une autre fois. Là, ma vessie va imploser. Maudite liqueur! Direction les toilettes. Nous y voilà. Alignés, tous debout face à notre urinoir comme des chevaux dans leurs stalles. Attentifs, regards droits à scruter la céramique. Un pur moment de poésie sociale. Un concert de chasses d’eau se fait bientôt entendre. Presque en chœur. Seule une reste muette, celle de l’urinoir numéro 7. Des problèmes urinaires? Non, un cancer de la prostate. Enfin, je suppose, lance le quidam au rayon lavabo. Entre savon et papier à main.

S’il est vrai que le cancer de la prostate provoque parfois de la difficulté à vider sa vessie chez son propriétaire, ces symptômes sont plus souvent causés par une hypertrophie bénigne de la prostate. Ici, rien de cancéreux. La nature a fait son œuvre. Simplement. Eh oui, dès l’âge de 30 ans, la prostate voit son volume augmenter sous l’effet de la testostérone entre autres. De quoi comprimer le canal urinaire et s’attarder plus que de normal dans les toilettes publiques.

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Et, ne me dites pas que vous ne l’aviez pas vu grossir? Je parle de votre prostate. Pour cause. «La prostate? C’est exactement comme la Bulgarie. Personne ne sait où elle se trouve ni ce qui s’y passe», disait Hal Ackerman, auteur et professeur à UCLA, dans My generation magazine.

Une brève révision de géographie anatomique s’impose. Située au sud de la vessie, la prostate se plait à être traversée par un canal naturel – l’urètre - qui voit se déverser des flots d’urine vers l’orifice du pénis chaque fois que vous allez aux toilettes. Sur la balance, la prostate est plutôt du genre poids mouche: 20 g et la taille d’une noix de Grenoble. Vu son emplacement, vous comprendrez que vous ne verrez pas cette glande grossir. Seul avantage: sa face arrière touche le rectum. Un médecin peut donc juger de son volume et de sa consistance par un toucher rectal (un des examens de dépistage). Plaisant, non?

Mythe n°1 : Dysfonctionnement érectile Pendant que l’on parle mécanique intérieure masculine, rappelons un fait: le cancer de la prostate ne cause pas de troubles de l’érection. Un mythe tenace même si la prostate ne contrôle en rien l’érection du pénis. Si vous éprouvez des problèmes érectiles, ne blâmez pas la prostate: elle ne peut rien pour vous. Un médecin, si. En réalité, la prostate contribue à la fertilité masculine par la sécrétion de substances essentielles à la survie des spermatozoïdes. Sans elle, aucune fécondation naturelle n’est possible.

Mythe n°2 : Le cancer de la prostate ne tue pas La bonne blague… Parlez-en aux familles des 3900 Canadiens morts cette année et aux 23 600 hommes qui ont reçu un diagnostic de cancer de la prostate (10 % de tous les décès par cancer chez l’homme en 2013 - chiffres de la Société canadienne du cancer). Cela aurait pu être pire, dites-vous. Certes. Pourtant, la maladie figure à la 3e place sur le podium canadien des causes de décès par cancer. Les maladies cardiovasculaires et le cancer du poumon continuent à faire davantage de victimes chez les hommes. Piètre consolation.

Retenez simplement que 1 homme sur 7 risque d’avoir un cancer de la prostate au cours de sa vie, le plus souvent après l’âge de 60 ans. Un homme sur 28 en mourra.

À la suite d’un grand nombre d’autopsies, les chercheurs ont même découvert que 30 % des hommes de plus de 50 ans ont un cancer latent. Comprendre ici que les cellules cancéreuses se trouvent dans la prostate et n’attaqueront pas l’organisme. De redoutables endormies…

Mythe n°3 : Le dépistage ne marche pas En 2009, deux larges études cliniques publiées dans le New England Journal of Medicine, l’Européenne ERSPC et la Nord-Américaine PLCO, ont défrayé la chronique en mettant en avant des résultats contradictoires quant aux bénéfices du dépistage systématique du cancer de la prostate et à sa propension à sauver des vies. Méthodologie déficiente, données contaminées, les raisons invoquées ne manquent pas pour discréditer l’une ou l’autre des études.

L’American Society of Clinical Oncology, la plus grande association de spécialistes du cancer en Amérique du Nord, s’emploie alors à faire jaillir la vérité. Les résultats de sa revue sont clairs et publiés à la fin mai 2012 dans le Journal of Clinical Oncology : il y a de solides preuves que le test de l’APS est utile pour le dépistage des jeunes hommes en santé. Publiée dans le Lancet Oncology, une étude suédoise (cohorte de Göteborg), peut-être la meilleure actuellement, montrait déjà en 2010 que la mortalité était réduite de 44 % sur une période de 14 ans grâce à un dépistage régulier tous les deux ans. En janvier 2013, une méta-analyse menée par Cochrane, référence médicale indépendante et reconnue, recommande finalement de ne pas procéder au dépistage systématique du cancer de la prostate par l'APS (plus de détails dans notre article Cancer de la prostate : la nécessité de dépister autrement ).

Et la controverse à savoir si le dépistage systématique ou individuel sauve des vies, direz-vous ? Elle continuera tant que des biomarqueurs prédictifs n’auront pas été découverts.

La réalisation de ce billet de blogue a été rendue possible grâce à une bourse de journalisme des Instituts de recherche en santé du Canada.

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