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L'espèce phare du fleuve Saint-Laurent de plus en plus menacée.

Par Jean-Patrick Toussaint, Ph. D., chef de projets scientifiques de la Fondation David Suzuki

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J'ai, par le passé, traité plusieurs fois de la place de la science au sein de notre culture et de nos systèmes politiques... et ce ne sera certainement pas la dernière, à en juger par les récentes nouvelles sur le sujet alors que les scientifiques fédéraux s'estiment muselés au point de devoir régulièrement modifier des informations dans leurs rapports pour des raisons non scientifiques. Le constat est fort simple : la place de la science s'effrite de plus en plus au pays, éraflant au passage notre système de gouvernance de par les politiques mises (ou non) en place.

Mais en quoi ceci est-il d'intérêt quant au sort des bélugas?

Nous apprenions récemment que la population de ce mammifère marin de l'estuaire du Saint-Laurent a chuté de près de 20 % en 10 ans en passant de 1100 à un peu moins de 900 individus. Cette situation a été décrite comme alarmante compte tenu que la population de bélugas était déjà plutôt mal en point. Cette population, qui avait à peine survécu à la chasse effrénée du 20e siècle, puis qui s'est vue aux proies de contaminants persistants dans l'environnement (BPC, DDT), semble maintenant crouler sous le poids d'une combinaison de facteurs (conditions environnementales défavorables, dont la hausse des températures de l'eau, niveaux élevés de contaminants polybromés (PBDE), une exposition accrue au bruit et au trafic maritime et un « bloom » d'algue toxique).

Bien que les facteurs responsables de ce déclin soient toujours sous la loupe des chercheurs, le véritable problème réside sans doute dans le fait que les coupures fédérales des dernières années en matière de recherche scientifique et environnementale n'aideront en rien à résoudre la problématique, tel que l'affirme Robert Michaud, président du Groupe de recherche et d'éducation sur les mammifères marins (GREMM). En abolissant des postes de scientifiques travaillant en écotoxicologie, tout comme le poste d'un chercheur spécialiste des bélugas, en plus de pratiquement ignorer la question des changements climatiques, le gouvernement fédéral, bien qu'affirmant le contraire, laisse à son propre sort l'une des espèces phares du Saint-Laurent.

Tout comme nous, le béluga est un mammifère au sommet de sa chaîne alimentaire. Cette position d'apparence reluisante est en fait nuisible au cétacé blanc puisque ceci contribue au fait que s'y accumulent plusieurs contaminants, faisant du béluga un des mammifères marins les plus contaminés du monde. Tout comme nous, le béluga subit les aléas des conditions climatiques des dernières décennies. Tout comme nous, le béluga est dépendant d'un fleuve Saint-Laurent (fleuve, estuaire et golfe) en bonne santé. Si le lien entre le béluga et nous vous apparaît trop farfelu, parlez-en aux Premières Nations qui dépendent toujours de sources de nourritures traditionnelles (lien en anglais) et qui semblent aujourd'hui de plus en plus souffrir de problèmes en lien avec la contamination de ces sources de nourriture provenant de l'environnement dans lequel elles évoluent.

Les bélugas font face à la révocation de leur statut d'espèce « menacée », pour un statut d'espèce « en voie de disparition », mais la portée des décisions gouvernementales auxquelles nous sommes confrontées est en quelque sorte encore plus importante. En continuant de fermer les yeux sur l'apport essentiel de la démarche scientifique et du lien étroit que celle-ci permet d'établir entre notre santé et celle de notre environnement, nous risquons de nous diriger tout droit vers un statut environnemental et humain tout aussi peu reluisant

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