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Deuxième volet d’une série de quatre sur la matière sombre.

Dans un billet précédent, j’ai passé en revue comment la matière sombre se manifeste à travers des effets gravitationnels. Mais personne n’a encore réussi à l’observer directement et hors de tout doute.

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Pas surprenant puisque nous parlons d’un type de matière, complètement différente et totalement inconnue qui n’est faite ni de quarks, ni de leptons contrairement à la matière visible (nous, les planètes, les étoiles et les galaxies).

Néanmoins, tout comme les quarks et les leptons sont les plus petits grains de matière visible, les physicien-ne-s s’attendent à ce que la matière sombre soit également faite de particules élémentaires, mais de particules « sombres ». Pour réussir à capter des particules de matière sombre, il faut qu’elles interagissent d’une façon quelconque avec des particules de matière ordinaire.

Jusqu’à présent, nous savons seulement que la matière sombre réagit à la gravitation, mais pas à la force électromagnétique car elle n’émet pas de lumière. Peut-être interagit–elle avec la matière ordinaire par la force nucléaire faible, celle responsable des désintégrations radioactives. La matière sombre serait alors faite de particules interagissant faiblement.

Particules massives interagissant faiblement Une hypothèse populaire considère que les particules de matière sombre seraient des WIMPs (mauviettes), acronyme anglais pour particules massives interagissant faiblement. Les WIMPs interagissent-ils souvent avec la matière? Moins de 0,1 fois par année par kilogramme de matériel sensible du détecteur, dépendamment de la masse de ces WIMPs.

Le principe de détection est simple: de temps à autres, un WIMP vient frapper le noyau d’un des atomes du détecteur le faisant reculer légèrement et induisant une petite vibration décelable. Sur ce graphique, on peut voir la quantité d'interactions entre un WIMP et des noyaux d'atomes servant à la détection.

L’axe vertical indique le nombre de fois où une particule sombre transfère une quantité d’énergie donnée à un noyau. Plus le détecteur est volumineux et plus on l’opère longtemps, plus grandes sont les chances d’enregistrer une collision.

Le matériau utilisé pour le détecteur importe également comme indiqué sur le graphique: les chocs sont plus violents, et donc plus aisément détectables, avec du germanium (Ge) qu’avec des noyaux plus lourd comme le xénon (Xe), mais le nombre total de collision est plus grand dans ce dernier matériau.

Ces détecteurs sont installés au plus profond d’une mine ou d’un tunnel afin de bloquer les rayons cosmiques qui induiraient de faux signaux dans le détecteur. L’élimination de toutes les sources de bruit de fond est le plus grand défi de ces expériences.

Vent de la matière sombre Si l’Univers est rempli de matière sombre, nous devons être exposé-e-s à un vent de particules sombres lorsque nous voyageons autour du Soleil. Ce taux est évalué à environ un million de particules par centimètre carré et par seconde pour des WIMPs dix fois plus lourds qu’un proton.

Et tout comme un cycliste roulant sur une piste circulaire par grand vent, nous devrions sentir un vent de face de particules de matière sombre en juin et un vent arrière en décembre car il y a une plus grande concentration de matière sombre au centre de la galaxie. C'est ce que représente schématiquement ce visuel.

Imaginez maintenant un détecteur fonctionnant sur Terre et sensible aux WIMPs. Les variations de l’intensité du vent seraient détectées sous forme d’une modulation annuelle du nombre de particules de matière sombre frappant le détecteur tout au long de l’année.

C’est exactement ce que l’expérience DAMA/LIBRA prétend observer depuis plus d’une décennie maintenant, comme indiqué sur ce graphique. On peut voir que le nombre d’événements enregistrés par DAMA/LIBRA en fonction du temps (plus de 10 ans) montre clairement une modulation annuelle. Leur signal est fort et clair (8,9 sigma), mais malheureusement, contredit par plusieurs expériences.

Trois autres expériences rapportent également des signaux: CoGent a une toute petite modulation alors que CRESST et CDMS observent quelques évènements en trop par rapport au bruit de fond attendu.

Tout irait bien si ces quatre expériences étaient toutes d’accord sur les caractéristiques des particules de matière sombre mais ce n’est malheureusement pas le cas.

De nombreux théoricien-ne-s déploient des efforts héroïques pour concevoir de nouveaux modèles pouvant expliquer pourquoi certaines expériences perçoivent un signal tandis que d’autres n’en ont pas, mais aucun modèle ne fait l’unanimité. La situation reste donc terriblement confuse comme on peut le voir sur cette image.

L’axe vertical représente le taux possible d’interaction d’une particule de matière sombre avec la matière ordinaire tandis que l’axe horizontal donne la masse des particules sombres. Les zones de couleurs délimitent les valeurs obtenues par les quatre expériences ayant un signal. Seules les résultats de CoGent et CDMS sont mutuellement consistants.

Les diverses lignes fixent les limites imposées au taux d’interaction et à la masse par quelques-unes des expériences qui n’enregistrent aucun signal. Toutes les valeurs au-dessus de ces lignes sont excluses, ce qui signifie que les expériences sans signaux sont en contradiction directe avec les quatre groupes qui ont observé un signal.

Aussi frustrant que cette situation puisse paraître, elle n’est en fait pas surprenante étant donné la complexité de ces expériences. On a soit affaire à des erreurs expérimentales, soit il existe une explication théorique.

De nombreuses expériences continuent à accumuler des données et de plusieurs sont en construction. Tout le monde est à pied d’œuvre, tant du côté de la théorie que des expériences. On ne peut qu’espérer une percée prochaine.

Ce billet à été publié en premier lieu sur le blogue du CERN Quantum Diaries

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