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En Guinée, le virus Ebola agite le cœur des hommes aux quatre coins du pays. Les fait saigner jusqu’à la mort. Passe les frontières pour s’installer au Liberia. 87 morts , ce n’est pas rien. Mais au regard des 1,3 millions de tuberculeux décédés en 2012, Monsieur Ebola fait-il vraiment le poids?

Dans les médias, Madame Tuberculose se fait discrète. Très discrète. Pourtant, c’est la maladie infectieuse la plus meurtrière au monde après le VIH/sida. Il est vrai qu’elle laisse moins de traces dans notre psyché quand elle apporte la mort. Une mort moins sanglante et horrible, diront certains.

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Car Monsieur Ebola, lui, joue dans une autre catégorie, celle des maladies graves regroupées sous le terme générique fièvre hémorragique virale. Hémorragique, oui! Aujourd’hui, aucun vaccin ni traitement médicamenteux n’est disponible pour éradiquer le virus Ebola.

Et, pour sa première apparition en Afrique de l’Ouest, Monsieur Ebola a pris soin d’envoyer la souche la plus mortelle de son arsenal viral (cinq en tout): la souche Zaïre. Elle peut tuer jusqu’à 9 personnes sur 10. Histoire de bien affoler les médias et d’être sûre de faire la une. Une fois de plus.

Et, si comme le titrait l’AFP reprise par nombre de médias , l’«épidémie est sans précédent», c’est surtout dans la répartition géographique des foyers d’épidémie aux quatre coins de la Guinée plutôt que dans le nombre de morts. En termes de décès, cette épidémie n’est, pour l’instant, pas la plus meurtrière. Ici, l’OMS recense tous les cas depuis 1976 et une infographie de l’AFP nous permet de prendre un peu de recul.

Madame Tuberculose entre en résistance

Mais revenons à Madame Tuberculose, la discrète perfide. TB pour les intimes. Traitable avec des médicaments si elle est bien diagnostiquée, elle impressionne moins. Pourtant, elle prépare une invasion. Sournoise.

Sous sa forme multirésistante (tuberculose-MR) ou ultrarésistante (tuberculose-UR), elle se joue des médicaments antituberculeux de première intention, et parfois ceux beaucoup plus efficaces et puissants de deuxième ligne comme la rifampicine. Prescription incorrecte, mauvaise association de médicaments ou arrêt prématuré du traitement favorisent entre autres la montée en puissance de la résistance.

«À l’échelle mondiale en 2012, le nombre de personnes ayant contracté une tuberculose-MR était estimé à 450 000 et celui des décès imputables à cette forme de tuberculose à 170 000», selon le rapport 2013 sur la lutte contre la tuberculose dans le monde de l’OMS.

170 000 décès attribuables à cette forme multirésistante contre 87 morts pour Monsieur Ebola. Je ne vous fais pas un dessin.

Et la résistance s’organise. En 2012 , «94 000 malades tuberculeux susceptibles de bénéficier du traitement contre la tuberculose-MR ont été détectés [...], ce qui représentait une augmentation de 42% par rapport à 2011. Les augmentations les plus importantes en 2011 et 2012 ont été observées en Inde, en Afrique du Sud et en Ukraine», écrit l’OMS dans ce même rapport.

Vous prendrez bien une TB? Non, une dengue!

Je vous entends déjà me susurrer à l’oreille que Madame Tuberculose ne se compare pas à Monsieur Ebola. Bactérie contre virus, taux de transmission ou de létalité. C’est vrai, jouons donc dans la cour des hémorragiques (fièvre hémorragique virale).

Je vous présente Madame Dengue, grande responsable d’une infection virale transmise par les moustiques. Même si elle est rarement mortelle, elle peut s’enorgueillir d’avoir, à son actif, 21 000 morts par an.

2,5 milliards de personnes (40% de la population mondiale) sont exposées au risque de transmission, une population surtout concentrée en Asie et en Amérique latine. Pour l’instant du moins. Car l’expansion de la dengue dépend beaucoup des conditions météorologiques et avec le changement climatique, l’OMS s’attend à une aggravation.

En 2010, des cas de transmission locale ont déjà été rapportés en France et en Croatie. En 2012, des cas importés ont été détectés dans 10 pays européens et «en 2013, des cas se sont produits en Floride (États-Unis d’Amérique) et dans la province du Yunnan (Chine)», selon l’OMS.

Contrairement à la croyance populaire, les pathogènes ne connaissent pas les frontières, les moustiques non plus. Ils voyagent eux aussi. La journaliste et blogueuse, Maryn McKenna, le soulignait déjà avec l'exemple de la fièvre de Lassa dans un billet paru en 2010 dans Wired .

Alors, toujours aussi sexy Monsieur Ebola?

Je donne