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Portrait de Juliane Casquet, chercheuse et passionnée de communication scientifique.

Après une thèse en biologie, écologie et évolution à l’Université de Toulouse durant laquelle j’ai principalement étudié l’évolution et la biodiversité des araignées tropicales, puis deux années de post-doctorat aussi consacré à l’étude de la biodiversité, de l’écologie et de l’évolution, je me suis rendu compte que ce que j’aimais le plus dans la recherche, c’était la communication scientifique!

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Je suis actuellement en cours de reconversion dans la médiation scientifique. Je suis notamment en train de créer une série d’animations pour les enfants autour de grands thèmes environnementaux et, depuis le début de cette année, j’écris pour l’ASP.

Agence Science-Presse (ASP) — Juliane, tu as récemment décidé de bloguer pour l’Agence Science-Presse. Cependant, tu publies des billets de blogue depuis quelque temps déjà sur la plateforme Plume! Qu’est-ce qui t’a amené à devenir blogueuse ?

Juliane Casquet (JC) — Je pense que tout est de la faute des loups ! Je m’explique : au tout début de mes études de biologie, j’ai choisi de faire un stage de 3 mois dans le Mercantour au Centre Alpha (sud-est de la France), pour y étudier le comportement d’une meute de loups en semi-liberté. En échange de l’accès à cette meute, je me suis retrouvée catapultée animatrice dans le centre. Je n’avais jamais suivi de formation dans le domaine et ce fut un vrai baptême du feu ! J’y ai énormément appris : comment vulgariser des connaissances scientifiques parfois pointues, comment intéresser une audience allant des tout-petits jusqu’aux retraités, comment divertir un public souvent peu impliqué au départ et lui transmettre ma passion. Le virus de la vulgarisation scientifique m’a pris à ce moment-là et ne m’a plus jamais lâchée.

ASP — Avant de te lancer, avais-tu une appréhension à bloguer ou est-ce que cela s’est fait naturellement pour toi ?

JC — Étrangement, je ne me suis jamais vraiment posé la question… En Master, j’ai travaillé sur le suicide adaptatif du puceron, un concept évolutif assez paradoxal et inattendu. Un jour, je me suis dit que ce serait une histoire sympa à raconter. Je me suis installée derrière mon ordinateur et j’ai écrit mon premier article de vulgarisation scientifique.

ASP — Qu’est-ce qui a été le plus difficile au début ?

JC — Quand j’ai vraiment commencé à écrire sérieusement, j’étais en thèse et j'ai été frappée de plein fouet par le manque de temps chronique des thésards. Il m’a fallu me convaincre (et convaincre mon entourage scientifique) que la vulgarisation scientifique fait bel et bien partie du travail du chercheur et qu’elle n’a pas à être considérée comme un manque de temps. Ma deuxième difficulté concerne la diffusion de ce que j’écris. C’est bien d’écrire, c’est mieux d’être lu ! C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai rejoint le cercle des blogueurs de l’ASP.

ASP — À l'inverse, qu'as-tu trouvé facile ou stimulant ?

JC — Avant de commencer à écrire des articles de blogue, j’écrivais déjà depuis plusieurs années, en particulier des nouvelles fantastiques. J’avais donc un certain entraînement et surtout, un immense plaisir à écrire, je pense que cela m’a beaucoup aidée. Par ailleurs, je suis passionnée par la science en général et la biologie en particulier. J’adore échanger sur ces sujets et apprendre de nouvelles choses, que ce soit en échangeant avec les lecteurs ou en me documentant pour l’écriture.

ASP — Qu'est-ce que cela t’a apporté et t’apporte encore ?

JC — Je me suis très vite rendu compte qu’il m’était impossible de communiquer sur un sujet si je ne le maîtrisais pas dans toutes ses dimensions. Très souvent, lorsqu’on fait de la recherche, on a une connaissance extrêmement pointue d’une toute petite partie de son domaine. Mais lorsqu’on souhaite communiquer auprès du grand public, on ne peut pas fonctionner comme ça, il faut maîtriser son sujet dans son ensemble. Pour donner un exemple très concret, la première fois que j’ai parlé des araignées dans un contexte de vulgarisation, on m’a demandé combien d’espèces d’araignées se trouvaient sur la planète. A ma grande horreur, je me suis rendu compte que j’étais incapable de répondre. Je pouvais rentrer extrêmement finement dans le détail des mécanismes évolutifs à l’origine de la diversité des quelques espèces que j’étudiais, mais je ne savais pas combien d’espèces d’araignées se trouvaient sur la planète ! (NB : un peu plus de 44500 espèces décrites à l’heure actuelle) Depuis cette expérience un peu traumatisante, j’ai toujours eu à cœur de m’informer un maximum sur le contexte général de mes connaissances. J’ai appris énormément de choses depuis que je fais de la communication scientifique !

ASP — Tu possèdes un doctorat en biologie et tu es chercheuse, mais tu aimes aussi la médiation scientifique. Penses-tu que les chercheurs ont encore du mal à s’imaginer pouvoir faire de la recherche et à bloguer en même temps ?

JC — Je pense que c’est effectivement le cas et que les raisons à cela sont nombreuses. Déjà, je ne connais pas de chercheur qui ne soit pas débordé ! La pression est très forte pour écrire toujours plus d’articles scientifiques et il est difficile, quand on a le nez dans le guidon, de s’imaginer qu’il est possible de consacrer du temps à la médiation. Ensuite, les chercheurs sont très mal formés (quand ils le sont !) à la communication scientifique. Cela veut dire qu’un chercheur de bonne volonté risque de ne pas oser consacrer du temps à un blogue tout public, par peur tout simplement de ne pas être bon. Soit dit en passant, je tiens à remercier du fond du cœur Denis Poinsot, responsable de l’exemplaire UE de communication scientifique que j’ai suivie pendant mon Master, à l’Université de Rennes. J’ai eu beaucoup de chance d’étudier dans une université qui proposait cette matière et c’est certainement grâce à lui qu’elle y existe. Enfin, il existe de la part de quelques chercheurs un certain mépris envers les collègues qui vulgarisent. Certains pensent encore que les chercheurs sont des élites intellectuelles qui ne devraient pas s’abaisser à communiquer avec le grand public. Cela n’aide pas vraiment à se lancer. Très heureusement, cette opinion disparaît de plus en plus des laboratoires de recherche !

ASP — Pour conclure, quels petits conseils donnerais-tu à quelqu’un qui aimerait se lancer dans la tenue d’un blogue, mais qui hésite ?

JC — Je lui dirais de ne surtout pas hésiter ! On a tous quelque chose à partager et tenir un blogue est un très bon moyen pour cela. Je lui conseillerais aussi de s’entourer, autant que possible, d’autres blogueurs. La grande majorité ne mordent pas et peuvent tout à fait relire des textes et donner des conseils si c’est demandé gentiment. Dans le cas particulier du blogueur scientifique, je lui conseillerais aussi de se renseigner sur les associations de vulgarisation scientifique autour de chez lui, il y en a de plus en plus. Enfin, il n’y a pas de secret : pour être un bon blogueur, il faut lire d’autres blogues, afin d’y repérer ce qu’on aime et ce qu’on aime moins. Et surtout écrire, écrire et encore écrire.

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