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Obama est drôle. Presque hilarant. Un comique de stand-up hors pair. Début mai, il annonce l’air très sérieux qu’il veut une enquête sur la peine de mort. Pas demain, là maintenant. Dans son beau pays des États-Unis où la peine de mort flirte avec 32 États sans retenue. Aucune. Le déclencheur? La mort de Clayton Lockett par injection d’un cocktail chimique létal… après 45 minutes. Coupables, levez-vous! Ne cherchez pas d’hommes, on parle ici de produits chimiques non testés.

Clayton Lockett a beau aimer les humoristes. Sur la table d’exécution, il a trouvé son gai luron de président beaucoup moins désopilant. Convulsions, tête redressée après que le médecin le déclare inconscient et un épilogue en forme de crise cardiaque trois-quart d’heure plus tard. En terme d’exécutions, les blagues les plus courtes sont les meilleures. Enfin, c’est ce que rapporteraient les trépassés.

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Obama le sait. Comme il sait pertinemment que le feu a pris depuis longtemps dans la chambre d’exécution. Traditionnellement, la mort par injection létale se distribuait à grand renfort de trois produits chimiques. Des acteurs au grand cœur censé donner un vernis humain à une méthode d’exécution qui ne peut l’être.

Les barbituriques, comme le thiopental sodique ou le pentobarbital utilisés notamment en chirurgie pour l’anesthésie, sont les premiers joueurs de ce trio chimique. Leur coup favori: plonger la victime dans l’inconscience. Le deuxième à glisser dans les veines du condamné est un curare, un paralysant musculaire de type bromure de pancuronium (Pavulon). Il y est rejoint par l’acteur principal, le chlorure de potassium qui provoque l’arrêt cardiaque. Mort. Point final. On passe à l’exécution suivante, SVP.

Fermeture des robinets

Sur le papier, c’est simple. Dans la (vraie) vie des autorités pénitentiaires américaines, un peu moins, notamment depuis que la Commission européenne a rendu presque impossible le commerce des barbituriques destinés à des exécutions en imposant notamment des contrôles à l’exportation par le biais de sa réglementation de 2005 (communément appelée Torture Goods Regulation). À l’époque, et encore aujourd’hui, aucun fournisseur américain homologué ne fournit ces produits.

Depuis le début de 2011, les fabricants européens du thiopental sodique et du pentobarbital ont arrêté d’approvisionner les États-Unis. Refus éthique clair et net. Branle-bas de combat dans le milieu carcéral.

La bataille autour des sédatifs clés du trio chimique commence avec la demande du gouvernement italien adressée à Hospira, une pharmaceutique américaine qui fabrique du thiopental sodique dans une de ses usines en Italie. Le gouvernement italien exige la garantie que le barbiturique n’est pas utilisé pour les exécutions. Hospira ne peut se conformer et en arrête la production.

Les autorités pénitentiaires se tournent vers le pentobarbital vendu par la compagnie danoise Lundbeck sous le nom de Nembutal et utilisé pour traiter les convulsions. Dès juillet 2011, Lundbeck s’oppose à une telle utilisation et resserre ses contrôles de distribution.

Qu’importe, les prisons américaines jettent leur dévolu sur le propofol, rendu célèbre entre autres par la mort de Michaël Jackson. En août de la même année, l’entreprise allemande Fresenius avise que sa filiale américaine ne fournira aucun service correctionnel américain. Fin du chapitre? Pas vraiment.

On expérimente ou bien?

Pour se donner un peu d’air, les services pénitentiaires n’hésitent alors pas à se fournir auprès de préparateurs en pharmacie (compounding pharmacies) dont les produits chimiques ne sont pas homologués par les autorités fédérales. Depuis octobre 2012, neuf États ont déjà fait le saut ou s’apprêtent à le faire. Ils y vont au petit bonheur la chance en proposant des protocoles non testés (1 produit chimique au lieu de trois) ou en combinant des drogues jamais utilisées auparavant. Pourquoi ne pas expérimenter, hein? Après tout, on parle de condamnés à mort!

Selon le Death Penalty Information Center, les six exécutions perpétrées en janvier 2014 faisaient appel à quatre protocoles d’injection létale différents. Celle de Michael Wilson (Oklahoma, encore) et son «I can feel my body burning» est restée dans les mémoires et celle de la longue agonie de Dennis Mc Guire aussi (Ohio, protocole avec 2 drogues: mizadolam et hydromorphone).

Dans le cas de Clayton Lockett, exécuté en Oklahoma, pas moins de cinq méthodes étaient envisageables… à la discrétion des services correctionnels.

À ce chapitre, la transparence n’est pas mise. Aucune contrainte légale n’existe pour forcer les autorités pénitentiaires à divulguer leurs sources d’approvisionnement, les drogues utilisées lors d’une exécution, les contrôles qualité effectués ou les qualifications des préparateurs.

Le 15 mai dernier, l’Associated Press, le Guardian-U.S., le St. Louis Post-Dispatch, le Kansas City Star et le Springfield News-Leader ont engagé des poursuites en ce sens contre l’État du Missouri pour exiger des services correctionnels la divulgation de ces informations.

Ressortons la chaise!

Entre temps, les États pro-peine de mort s’organisent hors de l’imbroglio chimique. Certains comme l’Arizona ou la Californie ont importé illégalement en 2011 leurs produits chimiques létaux depuis des grossistes pharmaceutiques européens peu regardants comme la londonienne Dream Pharma. Son fonds de commerce est situé dans l’arrière-boutique d’une école de conduite automobile!

Plus pragmatiques, la Géorgie et la Virginie envisagent sérieusement aujourd’hui le grand retour de la chaise électrique tandis que le Tennessee l’a déjà remise au goût du jour (dernière exécution en 2007). Le Wyoming et le Missouri réfléchissent, eux, à une alternative détonante: le peloton d’exécution ou même la chambre à gaz dans le cas du Missouri. Tiens, tiens, en voilà bien des façons de tuer les gens.

Depuis 30 ans, la mort par injection létale a été vendue comme douce et humaine. Privés de produits chimiques, je me demande comment les États-Unis vont s’extirper de leur trip de toxico. Une idée, M. Obama? Non, non, on ne s’assoira pas pour en discuter, la chaise est peut-être sous tension…

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