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Le Lac Saint-Charles à la croisée des chemins.

Par Jean-Patrick Toussaint, Ph.D., chef des projets scientifiques, Fondation David Suzuki.

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Tout dernièrement, on apprenait que l'état de santé du lac Saint-Charles, qui dessert 50% de l'eau potable des résidents de la ville de Québec, s'était grandement détérioré au cours des dernières années. Les développements routiers, les activités agricoles, les fosses septiques non conformes et le déboisement du bassin versant du lac St-Charles sont au banc des accusés concernant la détérioration de ce lac. En laissant ainsi se dégrader le bassin versant du lac Saint-Charles, Québec a mis en péril la source d'approvisionnement en eau potable de plus de 280,000 personnes. Les résidents de la Capitale-Nationale et de ses environs se voient donc confrontés au résultat d'années de négligence et de détérioration des milieux naturels.

Pour remédier à cette situation qualifiée de «critique», Québec peut s'inspirer de New York, qui a choisi, il y a une vingtaine d'années, de protéger son bassin versant, celui des monts «Catskills». Il est le plus grand bassin d'approvisionnement en eau de surface de la planète et alimente 9 millions de résidents de la Grosse Pomme! Au début des années 1990, la ville de New York a été confrontée à un choix: bâtir une nouvelle usine de filtration de l'eau au coût de 10 milliards$ US, une fortune à l'époque, ou protéger sa source d'approvisionnement pour laisser la nature filtrer son eau potable. New York a fait le second choix, si bien que lorsque vous ouvrez le robinet dans la métropole américaine, vous buvez une eau de source filtrée par la nature. Cette eau est même embouteillée!

Pour protéger sa source d'approvisionnement, New York a protégé des boisés et subventionné les agriculteurs de la région pour qu'ils améliorent leurs pratiques et protègent les cours d'eau et la nappe phréatique. New York a investi des centaines de millions dans des programmes de conservation, considérant ce bassin versant comme une infrastructure stratégique. Ces programmes ont été développés de concert avec les agriculteurs, les propriétaires de terres et de boisés, les producteurs forestiers, les municipalités et les résidents de la région.

De plus en plus de villes commencent à considérer leurs milieux naturels —boisés, milieux humides, ruisseaux, tourbières, parcs— comme des infrastructures vertes, reconnaissant ainsi que ces milieux procurent aux villes un grand nombre de services essentiels comme la filtration de l'eau ou de l'air, la régulation des crues ou la prévention des sécheresses, la qualité de l'air ou la séquestration du carbone, pour n'en nommer que quelques-uns. Pour Montréal, la Fondation David Suzuki a évalué que ces services totalisent une valeur de 4,3 milliards$ par année.

Pour plusieurs villes, ces services écosystémiques ne deviennent visibles que lorsqu'ils disparaissent, provoquant une détérioration de la qualité de l'eau comme à Québec, ou une aggravation des inondations comme dans la vallée du Richelieu. À Laval, la perte de milieux humides aggrave les sécheresses et provoque des difficultés d'approvisionnement en eau en période sèche, l'été.

Si l'on peut être porté à croire que la protection de nos infrastructures vertes —milieux humides, boisés, cours d'eau— représente un investissement de taille dans une ère où développement est le mot d'ordre, peut-être devrions-nous y réfléchir à deux fois. L'exemple de New York démontre qu'il est beaucoup moins coûteux d'investir dans les infrastructures vertes que de les remplacer lorsqu'elles cessent de nous procurer leurs services. Il ne serait pas surprenant de constater que les coûts associés au «remède de cheval» que devra subir le lac Saint-Charles pour retrouver une qualité acceptable seront bien plus élevés que ce qu'aurait coûté la protection de son bassin versant. Il ne reste qu'à souhaiter que Québec et d'autres villes québécoises en tirent les leçons et commencent à investir dans la protection de leurs infrastructures vertes.

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