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Rappel à moi-même: ne jamais siroter un café en lisant les articles santé de La Presse! Je me suis étouffée en lisant un récent article «L’homéopathie: une pilule bien dorée».

 

Pourtant, cela commençait bien: «L'homéopathie polarise le débat. D'une part, ses tenants la décrivent comme une médecine douce, sans danger ni effets secondaires. De l'autre, ses détracteurs la qualifient de "pseudoscience" tout au plus aussi efficace qu'un placebo» —une assertion convenue depuis que l’homéopathie, le «fer de lance» des médecines alternatives, déverse ses inoffensives et très lucratives granules dans les pharmacies québécoises.

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Bien qu'une médecine ne soit pas plus ou moins «douce» ou «naturelle», selon moi: elle fonctionne ou pas —et je ne suis pas la seule à le penser— j’étais curieuse de lire où la journaliste s’en allait avec un sujet ni franchement nouveau ni franchement d’actualité —cela fait 80 ans que la compagnie Boiron commercialise ses petites pilules.

Malheureusement, cela s’est gâté. Je me suis retrouvée à lire un article présentant cette «discipline» comme légitime, si on le lit attentivement l’article se retrouve à faire l’apologie de l’homéopathie: petit historique, présentation des lois de l’homéopathie —le principe des similitudes— en version latine «Simila similibus curentur», —ça ne nuit pas et cela fait plus scientifique!—, à l'individualisation, la controverse qui entoure la «discipline», des études attestant que l’homéopathie «ça marche» et pour finir, le dernier clou au cercueil de l’esprit critique, l’approbation de Santé Canada.

Les dernières paroles seront (évidemment) pour l’homéopathe: «Il ne faut pas que la médecine devienne fasciste et commande aux gens comment ils doivent être traités, dit-il. Il est important que les gens soient informés du potentiel de l'homéopathie, de façon non biaisée.» Vous voyez un biais, vous?

Petite lecture critique

Donc, avalons et reprenons. Il s’agit bien évidemment d’une présentation en règle des principes non-scientifiques et non-vérifiés que les homéopathes mettent de l’avant pour justifier le commerce de substances non-médicinales aux effets non prouvés - lire à ce sujet, l’article sur l'étude du Pr Serge Larrivée.

En effet, les granules sont reconnues comme «produits de santé naturelle homologués (sic)» par Santé Canada —il ne s’agit donc pas de médicaments, de thérapies qui nécessiteraient des essais cliniques pour valider leur dits effets bénéfiques. Et lorsqu’on consulte les «preuves relatives aux médicaments homéopathiques », il s’agit surtout de conseils d’étiquetage et d’obtention de licence, il n’est aucunement mentionné de vérification ou d’analyses des allégations figurant sur le produit. Plus, si vous avez un label (de France ou d’ailleurs), vous l’aurez ici.

 

Il n’y a aucune interdiction de Santé Canada puisque ces produits ne contiennent rien Olivier Bernard, alias, le Pharmachien (@lepharmachien)

 

La revue médicale The Lancet a fait beaucoup mieux depuis l’article de 1997, cité par La Presse —svp, La Presse, pouvez-vous mettre les liens vers les articles cités afin que le journaliste ou le citoyen qui lit votre texte puisse avoir accès à votre référence, merci.

En 2007, The Lancet publiait un article confirmant l’absence d’effets spécifiques de l’homéopathie: «Cinq méta-analyses d’essais cliniques en homéopathie ont été faites avec le même résultat: après avoir exclu les essais méthodologiquement inadéquats, et en prenant en compte les biais de publication, l’homéopathie n’a produit aucun bénéfice significativement supérieur au placebo».

Vous me direz, l’effet placebo, c’est déjà bien. Sauf qu’un placebo a ses paradoxes: il ne contient généralement pas de substance active qui pourrait affecter la santé.

 

A placebo is anything that seems to be a "real" medical treatment -- but isn't. It could be a pill, a shot, or some other type of "fake" treatment. What all placebos have in common is that they do not contain an active substance meant to affect health WebMD

 

Sur les fameuses lois qui soutiennent l’homéopathie, je conseille de lire « La validité scientifique de l’homéopathie en question —Quelques réflexions critiques » de l’ancien chercheur du CNRS Jacques Theodor qui démonte les fameux «principes» cités par La Presse.

Un extrait. «Seul un esprit irréversiblement acquis au dogme homéopathique refusera d’admettre que l’influence d’une goutte diluée dans de telles quantités d’eau, sur un système biologique quelconque, ne peut être que rigoureusement nulle. Ceci ne souffre pas la moindre contestation.»

Le Centre de la santé complémentaire et intégrative de l’agence américaine de la santé va d’ailleurs un peu dans ce sens là dans sa section consacrée à l’homéopathie: «Il y a peu de preuves qui soutiennent l’homéopathie comme étant un traitement effectif d’une condition spécifique » —en d’autres mots, ce n’est pas un remède.

L’homéopathie pourrait même être dangereuse, souligne le centre américain de santé complémentaire car les produits pourraient contenir un montant substantiel d’ingrédients actifs ce qui pourrait occasionner des effets secondaires et des interactions avec la prise de médicament

 

Although people sometimes assume that all homeopathic remedies are highly diluted and therefore unlikely to cause harm, some products labeled as homeopathic can contain substantial amounts of active ingredients and therefore could cause side effects and drug interactions -National Center for Complementary and Integrative health

 

Elle devrait même être bannie des tablettes de nos pharmacies, comme l’affirme le professeur de la médecine complémentaire de l’Université Exeter de Grande-Bretagne, Edzard Ernst. Car cette alternative pousse de nombreux patients à se détourner d’interventions utiles, telle la vaccination.

La fausse controverse de l’homéopathie

Dire qu’il existe encore une controverse, c’est faire le jeu des homéopathes. Soutenir que la controverse provient du milieu scientifique, c’est affirmer que les médecins, pharmaciens et compagnies pharmaceutiques complotent à ne pas rendre accessible la «vérité» de l’homéopathie —notre Pleins Feux du mois de mars portera justement sur les théories du complot.

Rappelons, pour mémoire, que toutes les allégations et opinions ne se valent pas. Nous en avons les preuves continuelles avec les questions du réchauffement climatique que les climatosceptiques tentent de réduire à une question de controverse entre scientifiques.

Devant l’indémontrable, la maxime de Hume s’avère un outil précieux. Le philosophe propose un argumentaire pour expliquer les prétendus miracles —reformulé par Jean Bricmont, dans le livre de Normand Baillargeon, «Petit cours d’autodéfense intellectuelle» (p223): «quelles raisons me donnez-vous de croire que la véracité de ce que vous avancez est plus probable que le fait que vous vous trompiez ou que vous me trompiez? Les scientifiques peuvent répondre en invoquant des expériences précises (…) pour les autres, une telle réponse n’existe pas.»

Bryn Williams-Jones, le directeur du Centre de bioéthique de l’Université de Montréal, me le rappelait récemment en entrevue: «Il faut toujours se demander à qui cela profite?». Prendre le temps de s’informer à plusieurs sources, de se poser des questions sur la véracité des faits —et les effets— en d’autres mots, ne rien avaler tout cru. Avant tout, cultiver le doute et l’esprit critique, même (surtout?) en matière de santé.

L’Université de Toronto dans l’eau chaude

Dernière nouvelle: l’Université de Toronto a établi un nouveau Centre de médecine intégrative où se donnait d’ailleurs une conférence, samedi dernier, sur les «Soins alternatifs de la médecine» (re sic) —où figure en bonne place l’homéopathie. Une journée animée par la vedette de l’homéopathie Bryce Wlyde.

Lire à ce sujet, l’excellent billet sur le site de l’Institut pour la recherche sur les politiques publiques, «L’homéopathie et l’éthique des recherches sur la magie». Et également le texte du pharmacien Scott Gavura qui remet en question cette inclinaison vers les pseudo-sciences de l’institution ontarienne.

En Allemagne, l’annonce d’une formation en homéopathie offerte à l’Université a fait réagir des médecins et —étrangement— certains homéopathes, dont Christoph Trapp de l’association des médecins homéopathes d’Allemagne qui soutient que «Nous ne sommes pas pour. Cette nouvelle formation à Traunstein ouvre la porte à une académisation des praticiens de médecines douces». Le monde à l'envers.

 

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