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Alors que le marché de l’or vert semble se stabiliser en Colombie-Britannique, différentes études tentent de mieux comprendre les effets de cette substance complexe. Selon les résultats, le cannabis peut causer des psychoses mais aussi être un agent thérapeutique.

Une récente étude britannique, publiée dans The Lancet, a fait le lien entre trouble psychotique et consommation de cannabis, et plus particulièrement de skunk. Ce type de cannabis est très puissant et concentré en THC, le tétra-hydro-cannabinol, la substance active du cannabis.

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Dans le reportage de Richard Massicotte, diffusé dans Les Années Lumières, la Dre Marta Di Forti, psychiatre à l’Institut de psychiatrie du King’s College de Londres, explique qu’ils se sont rendu compte que les gens qui disaient consommer du skunk étaient ceux qui vivaient un risque accru, c’est-à-dire qu’ils avaient trois fois plus de risque de vivre un épisode psychotique pour lequel ils avaient besoin de consulter des services en santé mentale. Elle ajoute que, si la consommation est quotidienne, le risque de souffrir d’un trouble psychotique peut être multiplié par cinq comparé aux autres consommateurs.

Pour la Dre Gabriella Gobbi, chercheuse au département de psychiatrie de l’Université McGill, il ne faut pas faire d’amalgame entre trouble psychotique et schizophrénie, qui est une maladie chronique. Outre-Atlantique, la Dre Di Forti avoue qu’elle ne sait pas si les fumeurs de skunk peuvent devenir des patients psychiatrisés : « il faudrait une étude à plus long terme pour pouvoir le dire. »

« L’autre aspect du cannabis dont on ne parle pas assez concerne les risques de développer de l’anxiété et de la dépression », déplore la Dre Gobbi, alors que des études longitudinales ont été réalisées sur ces risques. Elle aborde également la baisse des facultés intellectuelles et le syndrome a-motivationnel entraînés par la consommation de cannabis, notamment lorsque le sujet commence à fumer jeune, à l’adolescence.

Une substance complexe

Concernant les effets du cannabis, le Dr Didier Jutras-Aswad, psychiatre et directeur de l’Unité de psychiatrie des toxicomanies au CHUM, met en garde contre toute généralité : « on ne connaît pas tout, on ne comprend pas tout et c’est une substance qui est extrêmement complexe. »

Il déclare que la littérature leur en apprend plus sur la nature des différentes composantes du cannabis, dont le cannabidiol, un cannabinoïde, qui possède des vertus antipsychotiques. Il ajoute que ce constituant pourrait induire moins de problèmes sur le plan de la santé mentale.

« La littérature sur le cannabis est extrêmement complexe et ça part à mon avis de deux choses : d’abord il s’agit d’une substance complexe qui a à la fois des vertus thérapeutiques, positives, qui, dans la majorité des cas, pour la majorité de la population, ne va pas avoir d’effets délétères importants, mais qui, d’autre part, peut aussi avoir des effets néfastes, extrêmement significatifs, pour une partie de la population qui est plus vulnérable », explique le Dr Jutras-Aswad.

Vers un usage thérapeutique

L’usage médical du cannabis est toléré dans certains pays, dont le Canada, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et un certain nombre d’États américains. Par ailleurs, depuis 2005 au Canada, le Sativex, un médicament à base de cannabis, est autorisé.

Sous forme de spray à vaporiser dans la bouche, le produit, à garder sous la langue avant de l’avaler, est prescrit en tant que traitement d’appoint pour soulager les douleurs neuropathiques, notamment en présence de sclérose en plaques chez les adultes.

La France sera l’un des derniers pays européens à permettre à ses patients de bénéficier du Sativex et ce, avant l’été 2015, soit un an après sa légalisation.

L’intérêt d’un usage médical du cannabis a retenu l’attention de l’Association américaine pour l’avancement de la Science (AAAS) qui lui a dédié son Congrès annuel, du 12 au 16 février 2015 à San José (Californie, États-Unis).

Selon une étude intitulée Cannabis and Medicine : A New Frontier in Therapeutics , et présentée lors d’un Symposium du congrès, le cannabis aurait des propriétés anti-nauséeux, antispasmodiques et analgésiques. Les chercheurs explorent de nouvelles perspectives quant au rôle que jouent les différents cannabinoïdes dans l’inflammation, l’épilepsie, la neurodégénérescence et les troubles anxieux.

Une drogue qui stimule l’appétit et les neurones

Le cannabis a aussi des effets sur l’appétit, qualifiés de « trip-bouffe » par les consommateurs. Les chercheurs ont là une substance qui pourrait les aider à comprendre le fonctionnement de l’appétit, comment le stimuler mais aussi le supprimer.

En effet, le dronabinol, un des composants du cannabis (sativa), est également présent dans les médicaments anti nauséeux. Il agit sur les récepteurs CB1, présents partout dans le corps, qui vont s’activer et ordonner la sécrétion des hormones de la faim. Cependant, le mécanisme de ces récepteurs reste encore flou : les scientifiques ne comprennent pas comment le récepteur CB1 déclenche ou arrête la sécrétion des hormones de la faim.

En Roumanie, Ana Iorga, une pionnière en neuromarketing, a réalisé une expérience afin de mesurer l’effet du cannabis sur le cerveau. À l’aide d’un casque EEG, conçu pour mesurer l’activité cérébrale, elle a comparé le rythme cérébral de deux personnes avant et après que celles-ci aient consommé du cannabis. La première a fumé un joint de cannabis et la seconde a ingéré un cookie contenant du cannabis.

Chez les deux sujets, les résultats ont montré une accélération du rythme cérébral. La neurologue Laura Crăciun explique qu’ « il est clair que le rythme cérébral était plus rapide après avoir fumé et que l’amplitude des ondes était plus grande, ce qui ne signifie pas que les choses fonctionnent de façon chaotique, mais que le cerveau est en état d’alerte élevé. »

Laura Meuret

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