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Les professionnels de santé sont-ils prêts à faire face aux nouveaux enjeux cliniques et éthiques que pose l'utilisation des médias sociaux par les patients ? C'est à cette réflexion que convie une étude de cas publiée dans Palliative Medicine, The landscape of blogging in palliative care, qui s'est penchée sur le phénomène, du point de vue d'une équipe de soignants.

Admis dans une unité spéciale de soins palliatifs, un patient atteint d'un cancer agressif du cerveau a mis en lumière les écueils de l'édition d'un blogue dans un contexte de maladie terminale, mais également les aspects positifs et les bénéfices que pourraient tirer les professionnels de cette nouvelle pratique.

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Le patient avait intégré l'usage d'un iPad dans son parcours de soin, notamment en raison de la diminution de ses capacités d'interactions. Ainsi, au moyen de la fonction Notepad, il arrivait à communiquer avec le personnel soignant. Rapidement, l'équipe de soins a constaté que le patient s'en servait également pour éditer quotidiennement un blogue documentant son état de santé, du diagnostic aux images de procédures médicales dont il avait été l'objet, en passant par le récit détaillé de ses interactions avec le personnel soignant. Bien que le blogue ne connaissait pas une très grande audience, il rejoignait toutefois d'autres patients avec des diagnostics similaires, lesquels partagaient des messages de soutien avec le patient blogueur, mais aussi le contenu des discussions avec leurs médecins. Pour les soignants, le partage de ces informations à caractère intime peut poser de nouveaux enjeux éthiques liés à la nature confidentielle de la relation patient-médecin.

Pour la majorité du personnel soignant, il s'agissait d'une première expérience de ce type dans un contexte clinique. Le blogue leur donnait accès non seulement à la perception du patient de son état de santé physique, mais aussi à la dimension psychologique de la maladie, prenant notamment conscience de sa grande détresse existentielle. L'homme de 30 ans y exposait son sentiment d'avoir été trahi par la vie, et son désespoir de ne plus être capable de prendre son fils dans ses bras. Pour lui, la démarche entreprise sur son blogue constituait, en quelque sorte, une forme d'héritage à son enfant, afin que ce dernier puisse apprendre à le connaître à travers le récit de sa maladie.

Les auteurs rapportent que la quête de sens à attribuer à cette expérience douloureuse teintait ses rapports avec les professionnels de santé. Ils ont ainsi pu obtenir un rare accès au cheminement émotionnel et spirituel d'un patient, dans toutes les phases et les aspects de sa maladie. Les proches tiraient également une grande fierté de constater que le jeune homme était parvenu à constituer une communauté, formée d'autres patients atteints de cancer et leurs familles, autour de son blogue.

À la fois déterminé à se battre contre la maladie et accablé par l'absence d'espoir, il lui arrivait toutefois d'exprimer sa frustration à l'égard du réseau de la santé, suscitant dans la foulée, l'intérêt d'une station de radio locale. Cette dernière s'est saisie de son blogue pour lancer un débat public sur la qualité des soins palliatifs offerts aux malades, soulevant au passage la question de la légalisation du cannabis pour un usage thérapeutique, plaçant du coup la famille du patient et l'équipe de soins au coeur d'un débat embrassant auquel ils n'étaient pas préparés.

Enfin, à la lumière de cette expérience, les auteurs s'interrogent à savoir si les institutions de santé et les médecins ont un droit de réplique légitime, advenant le cas où ils se sentent injustement interpellés sur le blogue d'un patient. Si la question demeure entière, les patients blogueurs sont de plus en plus nombreux sur le Web et il est impératif, selon les auteurs, que les professionnels de santé entament une réflexion sur les enjeux éthiques et cliniques que pose cette nouvelle pratique dans le champ de la santé.

Ce texte a d'abord été publié sur le site Communication santé 2.0

Source :

http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22218096

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