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Parfois, en science, la complémentarité entre certaines expériences, si elle ne prouve rien, n’en pointe pas moins dans une direction assez évidente. C’est le cas de l’étude qui m’a été signalée par un lecteur du blogue (merci Pascal R.!) après que j’eus publié récemment deux billets sur le type de connectivité neuronale associé à la conscience. Avant de vous la résumer rapidement (car je commence tard aujourd’hui, ayant dû souligner les 20 ans du décès d’Henri Laborit dans un autre site, voir le premier lien ci-bas), je rappelle les conclusions des deux autres études.

D’abord celle de Godwin , qui montrait une réduction soudaine de la modularité fonctionnelle du cerveau au profit d’une communication neuronale à grande échelle dans l’ensemble des circuits cérébraux lorsque les sujets de l’expérience disaient avoir perçu consciemment une image qui leur était brièvement présentée.

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Et puis celle de Benali , qui mettait en évidence, toujours grâce à une technique d’imagerie cérébrale mesurant la connectivité fonctionnelle entre différentes régions du cerveau, une fragmentation modulaire de l’activité cérébrale quand on s’endort en sommeil profond et qu’on perd ce qu’on appelle la conscience.

La troisième étude va donc elle aussi dans le sens d’une mise en commun d’activité nerveuse dans de vastes réseaux cérébraux pour les phénomènes conscients par opposition à une fragmentation modulaire pour les phénomènes inconscients. Elle a été publiée par Giulio Tononi et son équipe en 2010 dans la revue Cognitive Neuroscience. Tononi défend une théorie de l’information intégrée (« Integrated Information Theory » ou IIT, en anglais) de la conscience qui va exactement dans le sens de ce que l’on vient de décrire, à savoir que la conscience n’est pas tant l’affaire d’un taux de décharge de potentiels d’actions , de synchronisation d’activité neuronale à certaines fréquences, ou d’input sensoriels en soi, mais plutôt de la capacité du cerveau, à un instant donné, d’intégrer beaucoup d’information par l’entremise d’une connectivité fonctionnelle à large échelle. Cette connectivité fonctionnelle étant simplement, comme il le précise dans son article, la capacité d’un groupe de neurones d’affecter l’activité d’un autre groupe de neurones ailleurs dans le réseau.

Pour ce qui est de l’expérience comme telle, Tononi et ses collègues ont employé une technique différente des deux autres études, soit la stimulation d’une aire cérébrale par stimulation magnétique transcrânienne (SMT) et l’enregistrement de l’activité cérébrale évoquée par ce stimulus par électroencéphalogramme (EEG) . Et ils ont comparé cette réponse entre les trois états suivants : éveil (W sur l’image ci-haut), sommeil profond (NREM) et sommeil paradoxal (REM) .

Et les résultats vont exactement dans le même sens que les deux autres études, c'est-à-dire que l’activité en sommeil profond devient plus locale et stéréotypée, indiquant selon eux une dégradation du dialogue incessant entre le thalamus et de larges pans du cortex durant l’éveil. À l’inverse, durant le sommeil paradoxal, période où l’on rêve, donc où l’on a l’impression d’avoir des sensations conscientes et de vivre plein d’aventures, la SMT produisait des patterns d’activation corticaux plus étendu qui étaient similaire à ceux observés à l’état de veille.

Donc encore une fois ici, même avec le corps pratiquement paralysé comme c’est le cas durant le rêve, un état où l’on vit consciemment des situations, même si elles sont imaginées, provoque de l’activité nerveuse intégrée dans de vastes réseaux cérébraux et non pas de l’activité modulaire fragmentée.

i_lien Sur les traces d'Henri Laborit a_expCortical reactivity and effective connectivity during REM sleep in humans

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