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«Puissiez-vous vivre à une période intéressante, dit le dicton chinois. Mais ce n’est pas une période facile», a lancé Marie-Claude Ducas lors de la plénière du récent Congrès de l’Association des communicateurs scientifiques du Québec (ACS), «La culture scientifique au Québec: crise et transformation».

Comme une éclaircie dans la grisaille de l’austérité québécoise, la centaine de communicateurs scientifiques a reçu une douche d’optimisme et de louanges des panélistes féminines —pour la plupart «intimidées devant une assemblée d’une telle qualité».

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Et cela faisait du bien de se faire rappeler la crédibilité, l’estime des marques (Les Débrouillards, Expos-Science, etc.) et le rôle de phares des journalistes scientifiques québécois.

Surtout après les coups de semonce du sondage exploratoire réalisé par le Centre de liaison sur l’intervention et la prévention psychosociales (CLIPP) pour l’ACS sur la situation financière des organismes de culture scientifique.

Sur les 300 organismes et programmes approchés, 65 y ont répondu, confirmant l’état de crise que vit présentement le milieu. 44% ont subi des coupes, et même si 88% ne pensent pas fermer cette année, la moitié ont dû abandonner des projets —et souvent réduire les ressources humaines.

Je regarde autour de moi: combien de mes confrères et consœurs ont été touchés par les récentes mesures d’austérité? Un bon nombre, et tous ne sont pas dans la salle.

D’ailleurs, autre chiffre livré et commenté par la directrice scientifique du CLIPP, Catherine Lord, 71% pensent que les politiques ont des effets sur la culture scientifique. Et pour 91% des répondants, les impacts sont négatifs.

Un monde mutant et tribal

Le monde de la communication change avec la multiplication des nouvelles plateformes, l’information de niche prend de la valeur. «Une bonne nouvelle pour les communicateurs scientifiques», juge pourtant la spécialiste des relations publiques Marie Grégoire.

On assiste d’ailleurs à une tribalisation du monde, chacun venant se conforter dans l’espace virtuel qui lui ressemble le plus. «Le défi: comment mettre du lien entre les tribus?», interpelle Marie-Claude Ducas.

Plus de place pour les twitteurs et les youtubeurs de science tandis que dans les journaux, la science se fait toujours aussi discrète. Le financement s’individualise et emprunte des nouveaux canaux —tel le socio-financement, plus incertain du côté de la pérennité des projets financés de cette manière. Mariève Paradis, co-fondatrice de Planète F, l’a très justement rappelé.

La consultante interne en philanthropie, Chantal Thomas, note que le secteur privé reste encore trop discret du côté des dons et qu’il importe aussi que le gouvernement ne se désengage pas. «Les deux sources doivent soutenir la recherche et la communication scientifique, c’est l’avenir de nos enfants», s’écrie même Mme Thomas.

Journaliste scientifique: un animal rare et toujours pertinent

Alors que mes pas me portent naturellement vers l’atelier de l’après-midi qui m’interpelle le plus —«A-t-on encore besoin de journalistes scientifiques?»— je croise de nombreux communicateurs qui m’ont déjà confié —devant un micro ou non— leurs soucis face à l’avenir.

Et l’avenir des journalistes de science? Ces «intermédiaires de choix» de la conseillère en communication de l’INRS, Stéphanie Thibault, manquent de valorisation: «le public n’y voit que du feu mais l’information est souvent mal mise en contexte sans le filtre des journalistes scientifiques», tranche-t-elle.

Comme illustration, Jean-François Cliche du quotidien Le Soleil rapporte la couverture journalistique de «l’affaire Bruce Power». L’expédition de 16 gros générateurs de vapeur sur le fleuve par la compagnie canadienne d’exploitation nucléaire Bruce Power a généré de nombreux articles, principalement alarmistes. 189 articles, parus entre 2010 et 2012, un seul cite un expert scientifique, les autres préfèrent interviewer des politiciens (176), la CCSN (53 mentions) ou les militants écologiques (52 mentions).

«L’information scientifique, c’est trop sérieux pour laisser ça aux politiciens», rappelle d’ailleurs Alexandre Shields. Le journaliste environnemental du quotidien Le Devoir a dénoncé le huis-clos de l’actuelle Commission sur les enjeux énergétiques du Québec.

Les journalistes scientifiques s’avèrent plus que jamais pertinents dans un monde où tout le monde peut devenir un média et où l’information se promène dans la poche. Une ère intéressante —«dont le dicton ne serait pas vraiment chinois», avoue Marie-Claude Ducas— où voisinent bouillonnement créatif et périlleuse survie.

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