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La conférence de physique des particules de la Société de Physique Européenne (EPS) se poursuit à Vienne, les sessions parallèles ayant cédé la place aux sessions plénières. Les présentateurs et présentatrices ont maintenant la dure tâche de récapituler les centaines de résultats présentés jusqu'ici à la conférence et d’en tirer une vue d'ensemble.

Durant les deux dernières années, le Grand Collisionneur de Hadrons (LHC) a subi des améliorations majeures. Les expérimentalistes en ont profité pour examiner sous toutes les coutures (et même plus!) l’ensemble des données accumulées avant l’arrêt. Avec les calibrations finales et des algorithmes améliorés, presque toutes les analyses incluent maintenant la totalité des données récoltées à une énergie de 8 TeV. Dans la plupart des cas, ces mois de travail acharné effectué par des centaines de personnes n’auront produit qu’une légère amélioration dans la précision des résultats. Ces récents résultats, bien que solides comme le roc, n'ont malheureusement rien révélé de nouveau.

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C’est la mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle : on s'attend à quatre fois plus de données dans l’année qui vient et à plus haute énergie, ce qui rendra de nouveaux phénomènes accessibles.

En voici un exemple. Les expériences CMS et ATLAS cherchent, entre autres, des particules lourdes mais encore hypothétiques qui se désintègreraient en deux bosons connus, à savoir des photons, ou des bosons Z, W ou de Higgs. Les trois derniers bosons peuvent à leur tour se désintégrer en jets de particules légères faites de quarks.

La désintégration d’une particule s’apparente à faire la monnaie pour une grosse pièce de monnaie : la pièce de monnaie initiale ne contient pas de petites pièces, mais peut être échangée pour des pièces de valeur égale, comme sur le diagramme ci-dessous. Les quatre pièces de 50 centimes pourraient provenir d’une pièce de deux euros ou de deux pièces d'un euro. De même, dans nos détecteurs, quand nous trouvons quatre jets de particules, ils peuvent provenir de deux bosons produits indépendamment (dans l’exemple ci-dessus, deux bosons Z), ou venir de quatre quarks produits directement. Tout ceci constitue le bruit de fond, tandis que le signal correspond dans ce cas au nouveau boson, celui qui s'est désintégré en deux bosons.

Une pièce de monnaie n’a qu’une valeur mais une particule possède à la fois masse et énergie. Quand on échange une grosse pièce pour de la monnaie, la valeur initiale est conservée. Avec des particules, nous devons prendre en compte la masse et l'énergie de tous les produits de désintégration pour calculer la masse combinée de la particule originale. Dernier détail : si la particule qui se désintègre est beaucoup plus lourde que les deux bosons qu’elle produit, les jets venant de ces bosons seront à peine séparés. Ils se déplaceront côte à côte. On n’observera alors non pas quatre jets, mais seulement deux jets plus évasés.

Si ces deux larges jets proviennent de deux Z bosons produits indépendamment, la valeur totale de leur masse combinée sera aléatoire, comme si nous additionnions la valeur de la monnaie au fond de nos poches. Si des milliers de personnes notaient sur un graphe la valeur de leur petite monnaie, nous obtiendrions une distribution comme celle de la ligne bleue ci-dessous. La majorité des gens ne traîne qu’un peu de monnaie, mais certaines personnes trimbalent une petite fortune en pièces de monnaie.

L'axe horizontal donne la valeur de la masse combinée des deux jets pour chaque événement récolté par la Collaboration d'ATLAS qui en contenait deux. L'axe vertical montre combien d'événements ont été trouvés avec une valeur de masse particulière. La ligne bleue montre les contributions du bruit de fond et les autres lignes colorées correspondent à diverses hypothèses théoriques. Les points noirs représentent les données réelles et devraient être distribués de façon similaire à la ligne bleue en l’absence de nouvelles particules.

Une petite bosse est visible autour d'une valeur de masse de 2 TeV : il y a plus d'événements dans les données que ce à quoi on s’attend venant de sources connues. Mais il y a toujours un certain flou dans toute mesure à cause des erreurs expérimentales. Si on répétait la même mesure mille fois, au moins une de ces mesures aurait un écart semblable. Il est donc beaucoup trop tôt pour dire qu’il pourrait s’agir des premiers signes de la présence d’une nouvelle particule, comme un boson W’ hypothétique par exemple. Mais ce sera à suivre dans les nouvelles données.

La Collaboration CMS a aussi quelques événements intrigants, comme celui ci-dessus à gauche trouvé parmi les toutes nouvelles données recueillies depuis la reprise du LHC à 13 TeV. Les deux jets ont une masse combinée d'environ 5,0 TeV. Un évènement semblable ayant une masse combinée de 5,15 TeV (droite) a aussi été trouvé dans les données accumulées à 8 TeV. Il y a 500 fois moins de données à 13 TeV qu'à 8 TeV, mais les expériences peuvent déjà poursuivre les analyses effectuées à 8 TeV.

Il est beaucoup trop tôt pour dire quoi que ce soit. Un peu comme si nous regardions à distance, par un jour brumeux et à la tombée de la nuit, essayant de voir si le train s’en vient. La forme floue aperçue au loin est-elle réelle ou juste une illusion ? Personne ne le sait, il faut attendre que le train se rapproche. Mais pas pour longtemps puisque le LHC est déjà en marche. Les expériences CMS et ATLAS devraient bientôt avoir suffisamment de nouvelles données pour pouvoir trancher. Et là, attachez bien vos tuques, ça va devenir excitant!

Pour en savoir plus sur la physique des particules, consultez mon site.

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