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« Non merci, l’astronomie, ça n’intéresse personne ! » Voilà approximativement ce que les représentants d’une trentaine de maisons d’édition ont répondu à l’astrophysicien Hubert Reeves lorsqu’au début des années 1980, il a frappé à leurs portes avec un manuscrit dans lequel se trouvait la matière des conférences publiques qu’il donnait ici et là sur les mystères des origines du cosmos.

Il aura fallu le flair et l’audace d’un jeune éditeur de Québec, Jean-Marc Gagnon, pour que la première édition de cet ouvrage, demeuré 35 ans plus tard le plus grand succès de l’édition scientifique québécoise, voit le jour en 1981 chez Québec science éditeur. Patience dans l’azur (dont les droits seront rachetés par les éditions du Seuil, à Paris) s'écoulera à un peu plus d’un million d’exemplaires et sera traduit en 25 langues dont l’anglais, l’allemand, le portugais, l’espagnol, l’arabe, le grec, le néerlandais, l’italien, le japonais, le polonais et le persan.

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C’est à ce succès que j’ai pensé lorsqu’en 2010, quelques bénévoles de l’Association des communicateurs scientifiques du Québec (ACS) ont créé un concours pour couronner le meilleur livre de vulgarisation scientifique publié en français au Québec – prix qui a été depuis scindé en deux pour honorer le secteur jeunesse. À titre de président de l’ACS, je lui ai demandé l’autorisation d’utiliser son nom pour donner une connotation prestigieuse au concours. Il a accepté volontiers. Le prix Hubert-Reeves offre, depuis, une visibilité supplémentaire aux livres de science francophones du Québec. De magnifiques ouvrages traitant d’écologie, de médecine, d’océanographie et d’histoire des sciences ont reçu le précieux bandeau. Des ouvrages comme L’Apparition du nord selon Gérard Mercator (Septentrion), primé en 2014 (mon coup de cœur), ont connu une deuxième vie grâce à ce concours.

Pour moi, l’idée d’associer M. Reeves à ce prix allait de soi. Hubert Reeves, c’est le savant qui sait parler au monde. Dès la fin des années 1970, le public a apprécié la voix chaude et le vocabulaire soigné de ce vieux sage au charisme peu commun, qui venait leur parler de quarks et de trous noirs sur le ton de la confidence. J’ai vu l’effet que produisait sur les foules ce conférencier au sourire flegmatique, capable de citer dans la même phrase Albert Einstein et Woody Allen. À l’annonce de sa venue, il fallait prévoir les plus vastes auditoriums, car on savait que le public viendrait nombreux. Parmi les spectateurs se pressaient inévitablement au micro quelques hurluberlus pour l’interroger sur l’invasion des extraterrestres ou l’alignement des planètes. Il répondait avec bienveillance qu’il n’était pas très ferré dans ces expertises. Il était dans le camp de la science.

Aujourd’hui âgé de 83 ans, Hubert Reeves poursuit sa carrière d’écrivain et de conférencier. Son prochain opus sort ces jours-ci. Il s’agit d’une bande dessinée écrite avec Daniel Casanave et intitulée L’Univers : créativité cosmique et artistique (éditions Le Lombard). S’il vit en France depuis une trentaine d’années, il n’a jamais cessé de venir au Québec, où une bonne partie de sa famille vit encore.

Son amitié pour la communauté scientifique du Québec s’est illustrée une fois de plus, cette semaine, à l’occasion de l’annonce de la création du Fonds Hubert-Reeves, hébergée par la Fondation du Grand Montréal. Hubert y a personnellement versé 30 000 $. Ce fonds capitalisé assure la pérennité du prix et ouvre une nouvelle voie de financement pour les projets des organismes à but non lucratif tournés vers la promotion de la culture scientifique. Il nous fera profiter encore longtemps de sa bonne étoile.

Mathieu-Robert Sauvé

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