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Quand le cinéaste Jean Pain Levé disait « la science est une fiction », il n’avait pas tort. Les sciences et la recherche sont une source inépuisable pour l’imaginaire et le laboratoire de l’accélérateur linéaire, science ACO d’Orsay fait bien la preuve. Entre science-fiction et histoire, cet instrument nous permet de repenser le rôle des anciens outils dans le patrimoine scientifique du territoire.

Jeudi 29 juin 2017, 14 h 15.

Nous pénétrons dans la forêt humide d’Orsay en voiture, une zone universitaire construite dans les années soixante-dix au milieu d’une dense végétation au sud de l’Yvette. Parmi les vieux bâtiments, se laisse entre voir un vieux portail vert, usé et rouillé. On dirait un hangar abandonné, sans plus.

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Nous nous précipitons vers l’entrée, où notre chère guide Anne Fleur nous attend. Souriante et très énergique, elle nous fait entrer dans la première salle de l’actuel « Musée de la lumière et de la matière », ancien laboratoire de l’accélérateur linéaire d’Orsay construit en 1958.

Devant nos yeux, s’ouvre la grande porte, s’ouvre un autre monde où le temps semble suspendu depuis quelques décennies.

La première chose que je perçois, c’est l’odeur, un mélange entre poussière et produits chimiques, odeur qui me transporte au studio photographique de mon grand-père et le laboratoire de physique chimie de mon lycée. Juste à côté de la porte, un panneau « SÉJOUR RÉGLEMENTÉ : RAYONNEMENTS ». En grand, en rouge, en majuscules.

Une fois dedans, s’étend devant nous tout un mur de boutons, d’écrans, de claviers, et d’autres appareils dont je méconnais la fonction. Nous sommes là, devant l’ancienne salle de contrôle du tout premier collisionneur de particules linéaire d’Europe.

L’immobilier démodé est constitué principalement de chaises grises, d’un style des années soixante-dix, face à une paillasse futuriste style Sart Trek ou Odyssée de l’espace, le décor nous transporte dans une autre époque.

On s’enfonce dans le bâtiment, les couloirs baignés d’une lumière rouge, câbles et tuyaux suspendus au plafond, peinture qui se morcelle nous donnent l’impression de découvrir un monde perdu. Néanmoins, ce bâtiment qui semblerait oublié, fait partie du patrimoine scientifique et technique français. On se laisse émerveiller par ces instruments qui jadis ont contribué à la production de nombreuses recherches, ont vu l’entrée en gare de la physique des particules, ils ont vu passer des nombreux chercheurs et chercheuses qui pas leurs travaux ont contribué a former ce que nous connaissons aujourd’hui à propos de la matière.

On rentre dans la grande salle, Anne nous explique que l’accélérateur qui s’élève devant nos yeux fût construit en deux parties, une partie linéaire et une circulaire. 

1950, en plein milieu de la guerre froide, l’Homme cherche à maitriser la matière et se rend compte de son immense pouvoir. Des nombreux laboratoires se créent. L’accélérateur d’Orsay voie la lumière du jour, sa partie linéaire récemment construite sert, comme son nom l’indique, à envoyer en ligne droite, des électrons à très grande vitesse. L’accélération des particules se fait par des attractions électromagnétiques positives et négatives. Le but ? Faire collision entre deux électrons à grande vitesse et étudier les rayonnements qui sont dégagés par la suite. Ceci est connu comme physique des particules, discipline en pleine émergence, elle cherche à étudier la composition le noyau atomique et ainsi comprendre la matière.

Sari Tanikawa

 

1960, à cette époque le Laboratoire de l‘accélérateur linéaire est un des plus grands laboratoires du monde dans le domaine de la physique des hautes énergies, l’anneau de collision est donc construit. Il s’agit cette fois-ci d’un accélérateur de particules circulaire, un outil qui permet de faire tourner les particules de très haute énergie en spirale. Le mouvement circulaire leur permet de gagner de l’énergie à chaque tour, tout en économisant de l’espace.

1970, l’exploration de la matière et son interaction se poursuit, un nouveau Laboratoire pour l'utilisation du rayonnement électromagnétique est créé, c’est la naissance de la physique des particules. On en découvre plusieurs familles à propriétés comparables, on découvre les quarks, les leptons puis les différents types de familles dont ils sont constitués, le boson de Higgs entre autres… On découvre l’infiniment petit.

2017, voici les instruments d’hier, des machines pas si vieilles, mais qui nous semblent déjà archaïques. La recherche ne cesse pas d’avancer à pas-de-géant et pour cela il faut construire rapidement des nouveaux instruments. Peu à peu des outils plus performants vont remplacer l’accélérateur d’Orsay. Le synchrotron soleil de Paris-Saclay est un exemple clair. Il a été conçu pour remplacer l’accélérateur de Sciences ACO, inauguré en 2006, cette puissante source de rayonnement ouvre la recherche de la matière à plusieurs disciplines, de la médecine à l’archéologie en passant par les nanotechnologies. Mais, qu’en est-il du patrimoine scientifique et historique d’Orsay ? Comment valoriser ces sites qui se trouvent entre histoire et recherche ?

La patrimonialisation des objets scientifiques contemporains est une politique de conservation et de valorisation des objets de la recherche qui se développe rapidement ces dernières années, on veut donner plus d’importance, recenser, préserver et montrer les instruments qui ont servi dans le passé en raison de leur intérêt symbolique et technique. Utiliser les vieux instruments à des fins éducatives ou à l’éveil de la curiosité des plus jeunes est une des propositions menées par l’université d’Orsay afin de faire revivre ce laboratoire que fût un temps, se présentait comme futuriste.

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