CURITIBA, Brésil – À 400 km au sud-ouest de l’une des mégalopoles les plus polluées du monde, dans ce pays surtout connu à l’étranger pour la destruction de sa forêt amazonienne, se trouve une ville qui fait l’envie des écologistes de toute la planète : Curitiba, dont le système de transport et le développement urbain sont synonymes de réussite.

En 2005, on estimait que 70 % des banlieusards y prenaient le bus plutôt que la voiture. La consommation de pétrole par tête à Curitiba serait même inférieure d’un quart à celle des autres villes brésiliennes! C’est qu’il y a près d’un siècle que la capitale de l’État du Parana s’est attelée à repenser la manière dont on se déplaçait en ville.

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« Dans les années 1920, on a commencé à concevoir des rues plus larges. On estimait que la circulation allait devenir plus dense avec les années », m’indique Thomas Leblond, un Québécois vivant à Curitiba depuis quelques années avec femme et enfant, alors que l’on roule sur l’une des artères rapides de la ville. Ce n’est pas pour rien qu’on appelle ces avenues « as rapidas » (les rapides) : la voiture file à toute allure. Une chose qui serait impensable à Sao Paulo : l’explosion démographique (20 millions d’habitants) a entraîné un développement chaotique... et de monstrueux embouteillages.

C'est le maire et ingénieur civil Moreira Garcez, élu pour deux mandats, qui a été l'auteur de ces initiatives, très surprenantes pour l’époque. Puis, dans les années 40, la ville a cru bon remettre de l’ordre dans son système de transport avec le plan « Agache » ; la ville se développait bon train, avec l'industrie du café qui avait le vent dans les voiles. On a alors confié la planification urbaine à une firme de Sao Paulo qui s’appelait Coimbra Bueno & Cie, laquelle collaborait avec l’architecte français Alfred Agache.

Puis en 1966, adoption d’un plan directeur : le Curitiba Master Plan. Celui-ci impliquait que la ville se développe autour de cinq axes, formant une sorte d’étoile. C’est autour de ces cinq lignes de circulation que se concentreraient les principaux services, le réseau de transport et les habitations à plus forte densité de population. Avec ce plan, les transports publics devenaient une priorité. C’était du jamais vu.

Mais ce qui a vraiment fait entrer Curitiba dans la légende, c’est lorsqu’en 1971, l’architecte Jaime Lerner, âgé de seulement 34 ans, est élu maire de Curitiba. Ses objectifs : un usage des sols efficace, une valorisation du transport public et un développement optimal des rues et avenues. Ses trois mandats (1971-1975, 1979-1983 et 1989-1992) lui permettront de donner un visage nouveau à la ville.

Le pouvoir d’attraction de Curitiba

En 1950, on comptait 150 000 âmes à Curitiba. À présent, la ville regroupe 1,8 million d’habitants (3,4 millions en considérant la région métropolitaine) et on prévoit qu’en 2020, elle atteindra les 3,7 millions.

La qualité de ses infrastructures (santé, éducation, transport, sécurité, etc.) attire de nombreux Brésiliens, qui délaissent leur région pour une vie meilleure. Pour Âna Coelho et son mari Marcell Freitas originaires de Manaus, une ville située en plein cœur de l’Amazonie, le choix de déménager à Curitiba s’est fait de lui-même. « C’est surtout la qualité de vie qui m’a séduite. Se trouver un travail s’est avéré très facile, acheter une propriété demeure accessible, mais surtout tous les services (état des routes, services de santé, transport en commun, écoles, etc.) sont de beaucoup supérieurs à ce que je retrouve dans ma ville natale.»

Mais le climat y est aussi pour quelque chose: « j’ai toujours dit que je suis née à la mauvaise place, au mauvais moment. J’ai toujours détesté la température de Manaus. Pour moi, c’est insupportable de vivre à plus de 30 degrés Celsius avec une humidité de plus de 60%! » s’exclame Âna Coelho.

À Curitiba, sur son plateau entouré de montagnes à près de 900 mètres d’altitude, la température est tempérée. On dit que c’est l’une des villes plus froides au pays! Le temps est en effet souvent frais, gris et pluvieux… au grand bonheur de Mme Coelho!

D’autres types de nuages se pointent toutefois à l’horizon: avec 94,6% de la superficie habitable au centre déjà utilisée (soit le NUC pour nucléo urbano central en portugais), il devient vital pour la ville d’utiliser judicieusement son territoire afin de préserver le niveau de qualité de vie de ses résidents. Une rumeur court selon laquelle Curitiba aurait à présent besoin d’un autre jeune visionnaire à la Jaime Lerner comme maire!

D'autres distinctions de la ville en matière de transport: système ternaire (« axe routier constitué d’une double voie centrale exclusivement réservée aux bus, bordée de chaque côté par une voie lente à sens unique pour les voitures. Deux voies rapides à sens unique, plus larges, sont séparées, de l’équivalent d’un pâté de maisons » (source : journal Décroissance, 2008);
- changement de zonages pour encourager les gens à habiter le long des axes de transport;
- première ville au pays à offrir un tarif unique, quelle que soit la distance à parcourir;
- deuxième ville en Amérique du Sud à créer une rue piétonne en 1971 (après Buenos Aires en Argentine) (source); plus de 50% de rabais sur le tarif du dimanche;
- plus de 100 cartes sont disponibles gratuitement sur le site de la ville


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