Le tourisme spatial représente-t-il l'avenir?
(ASP) - Et si cet étrange astronaute
nommé Tito représentait à lui seul
lavenir du voyage spatial? Certes, il a fallu
à cet homme daffaires américain,
pour se retrouver dans une capsule Soyouz, payer la
rondelette somme de 20 millions$. Mais ce sont peut-être
ces 20 millions$, et ceux des autres futurs touristes,
qui représenteront la bouée de sauvetage
des agences spatiales et pas seulement des Russes
désargentés.
Pour linstant, il est heureux, notre
milliardaire californien préféré,
qui
fut ingénieur spatial dans les années
60. Il
réalise un rêve denfant en
même temps que le rêve denfant de
milliers dautres personnes. Il
est bel et bien parti tel que prévu, samedi,
et il est bel et bien arrivé, tel que prévu,
lundi, à la station spatiale internationale,
envers et contre tous surtout les Américains.
Il sest même permis à 60 ans,
et milliardaire, on peut sen permettre- une flèche
contre ses compatriotes en général et
la Nasa en particulier, avec son ultime mesquinerie
de la semaine dernière, lorsque lagence
spatiale lui a fait signer un papier par lequel elle
se dégage de toute responsabilité en cas
de bris déquipement là-haut. "La
politique, cest terminé!", a-t-il
lancé en présence des journalistes.
Ses 900 heures dentraînement,
même si elles sont plutôt éloignées
de celles auxquelles un passager davion aurait
dû se soumettre, ne sont rien à côté
des années dentraînement auxquelles
un "vrai" astronaute aurait dû se soumettre.
Et cest largument qua toujours invoqué
la Nasa pour tenter de lui interdire de monter là-haut.
Alors quen réalité, analyse Libération,
il faudrait plutôt y voir de la rancoeur: cest
la Nasa qui, il y a 15 ans, moussait lidée
du tourisme spatial. Mais depuis, elle sest fait
magistralement battre sur ce terrain par les Russes.
Car contrairement à ce quon
a pu entendre depuis une semaine, Dennis Tito nest
pas le premier touriste de lespace. Historiquement,
ce privilège demeurera toujours celui dun
prince saoudien, qui, en 1988, monta à bord de
Mir. Suivi par un journaliste japonais, Toyohiro Akiyama,
en 1990, un voyage de six jours sur Mir, pour lequel
le réseau de radio-télévision TBS
versa une somme qui na jamais été
dévoilée. Et par une Britannique de 27
ans, Helen Sharman, également à bord de
Mir, dans le cadre dune mission payée par
un groupe dinvestisseurs. Enfin, il est difficile
doublier cette non-astronaute que la Nasa avait
voulu envoyer dans lespace en 1986: lenseignante
Christa McAuliffe, qui fut tuée avec ses collègues
dans lexplosion de la navette spatiale Challenger.
Dennis Tito nest donc ni le premier touriste ni
le premier civil. Mais il est le premier à avoir
de lui-même payé son "billet".
Déjà, des rumeurs lancées
en fin de semaine par le directeur de lagence
spatial russe laissent entendre quun deuxième
touriste "payant" serait en lice: selon le
quotidien USA Today, nul autre que le réalisateur
James Cameron.
Or, au-delà de lanecdote,
cest justement ça qui pourrait
constituer lavenir du vol spatial. Elle est
en effet dépassée, lépoque
où les gouvernements étaient prêts
à dépenser une fortune pour envoyer des
hommes là-haut, juste pour acquérir un
peu de prestige politique. Par conséquent, qui
sait si quelques millionnaires en mal de sensations
fortes ne pourraient pas prendre la place des bailleurs
de fonds suivis par des entreprises privées
désireuses de bâtir un hôtel en orbite,
le temps que les prix baissent et ne soient plus seulement
accessibles aux millionnaires ?
A court et à moyen terme, disent
les plus optimistes ou les plus pessimistes, selon
le point de vue- cest peut-être la seule
chance quont les scientifiques de voir financées
leurs expériences en apesanteur, sans parler
de futures expéditions vers la Lune ou vers Mars.
Parce que pour linstant, lexploration spatiale
semble être dans une impasse (lire notre manchette
du 16 avril): la navette spatiale na pas répondu
aux promesses quon plaçait en elle il y
a 20 ans; ses successeurs sont encore sur les tables
à dessin; et la station spatiale a mobilisé
une énergie folle et coûté une fortune.
Linitiative ne semblant donc pas venir du secteur
public, seul le secteur privé pourrait peut-être
contribuer à sortir de cette impasse. Et limpulsion
du secteur privé, ce sont des hommes comme cet
astronaute étrange nommé Tito...