
semaines des 17 et 24 septembre
2001


Lutter contre l'absurde
Une
réalisation du génie humain lavion,
vieux dà peine un siècle- entre en collision
avec une autre création du génie humain le
gratte-ciel- provoquant une tragédie qui pourrait
à son tour entraîner dautres tragédies,
à lautre bout de la planète. Quest-ce
que cela nous apprend sur le "génie" humain ?
Ce texte a été mis
en ligne le 17 septembre.
Remis à jour les 18 et 24 septembre.
(ajout, 1er octobre)
Ce texte
a touché une corde sensible chez plusieurs lecteurs:
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Science-Presse/Médito
Cela nous apprend quà
lâge de latome,
lesprit de lhomme
des cavernes est encore bien présent.
Quentre le fanatisme dun
islamiste prêt à
faire mourir des milliers de personnes,
incluant lui-même, et le
fanatisme de celui qui réclame
la guerre sans sêtre
posé la moindre question
sur les conséquences dune
guerre, il ny a quune
différence de degrés.
Que lignorance
engendre la violence, on la
souvent dit; mais quelle
engendre aussi et surtout, le
fanatisme.
Certes, on la
beaucoup écrit depuis la
semaine dernière, cest
avant tout à un symbole
que se sont attaqués ces
terroristes. Un
symbole de grandeur et de perfection,
écrit, sans le moindre
accent dhumilité,
le columnist de droite
George Will, dans le Washington
Post: "les cibles des
terroristes étaient les
symboles non pas seulement de
la puissance américaine,
mais aussi de ses vertus... Les
tours jumelles du World Trade
Center sont, comme Manhattan elle-même,
des expressions architecturales
de la vigueur de la civilisation
américaine." Un symbole
dune civilisation
qui a tant fait souffrir,
jugent plutôt, depuis lAngleterre,
les universitaires de gauche Ted
Grant et Alan Woods : "il
y a 10 ans, le Président
George Bush père promettait
un Nouvel Ordre Mondial. A présent,
la réalité est revenue
le frapper."
|
Quelques ressources
"scientifiques" sur
l'attentat
Section
spéciale du New Scientist
Léditorial
de Nature (nécessite
un abonnement)
Références
sur les images militaires par
satellite (Federation of American
Scientists)
Dossier
spécial du New Scientist
sur
le bioterrorisme
Conseils
aux médias. Quoi dire,
comment couvrir l'événement,
suggestions de reportages.
-
Attention
de ne pas emprunter aveuglément
le langage de la guerre
-
Site
dénonçant les canulars
liés à lattentat,
incluant Nostradamus et le chiffre
11.
Reportage
de lhebdo spécialisé
Janes Defense Weekly
sur les déficiences des
services de renseignement.
Trop de dépenses
en technologies, pas assez en
ressources humaines.
Voyez
aussi les liens de notre
Kiosque
Histoire
|
Les deux tours du World
Trade Center étaient en effet,
pour des millions dopprimés,
les symboles par excellence dune
civilisation, la civilisation occidentale,
qui les a tellement fait souffrir, renchérit
Noam Chomsky sur le fil de lagence
" alternative "
A-Infos. Et
cest cette souffrance quil
faut tenter de comprendre, si on
veut espérer que la tragédie
de New York ait servi à quelque
chose. "Comment réagir ?
Nous avons le choix. Nous pouvons exprimer
notre horreur, elle est justifiée;
nous pouvons chercher à comprendre
ce qui a pu engendrer ces crimes, ce
qui implique de faire un effort pour
se mettre dans la peau de ceux qui l'ont
vraisemblablement commis... (Ecoutons)
les mots de Robert Fisk (journaliste
qui a longuement couvert le Moyen-Orient):
"Ceci n'est pas la guerre de la démocratie
contre la terreur, comme le monde sera
prié de le croire ces prochains
jours. C'est aussi l'histoire de missiles
américains explosant dans des
maisons palestiniennes, et d'hélicoptères
américains lançant des
missiles contre une ambulance libanaise
en 1996, et d'obus américains
s'écrasant sur un village du
nom de Qana, et l'histoire de milices
Libanaises payées et habillées
par l'allié de l'Amérique
(Israël) frappant et violant et
assassinant tout sur leur passage dans
des camps de réfugiés"."
Sans avoir autant étoffé
leur pensée, bien des Américains
ont fait part de leur scepticisme face
à une hypothétique guerre,
autant dans les pages
des lecteurs du Washington Post
que sur le site du Centre
des médias indépendants
(Indymedia). Une attaque, sentendent-ils
pour dire, aussi justifiée soit-elle,
ne fera quempirer les choses si
elle est dirigée vers la mauvaise
cible. Et elle a toutes les chances
du monde de toucher les mauvaises cibles.
Et pourtant, ni à
droite ni à gauche du spectre
politique, on na souligné
lévidence: sil y
a une seule chance, toute petite, à
long terme, à très long
terme, de gagner cette "guerre"
qui nen nest pas une, cest
par léducation. Tuez un
terroriste, et il sen lèvera
dix qui voudront venger leur "martyr".
En revanche, apprenez aux petits américains
de Manhattan que les gens de ces lointains
pays ont eux aussi le droit à
une vie confortable et sans violence,
ou aux petits Afghans que "lAmérique"
nest pas peuplée que de
monstres assoiffés de sang, quentre
Islam et Chrétienté, il
y a souvent bien plus de points communs
que de différences, que de part
et dautre, il faut savoir faire
un tri dans linformation qui nous
bombarde... Développer les connaissances
sur lautre, mais aussi et surtout,
développer lesprit critique
face à cette information, est
un objectif un brin utopiste, mais le
seul qui lHistoire la
démontrée- permette un
peu doptimisme, à long
terme.
Lorsquon fait la
guerre, il est important dêtre
convaincu que "lautre"
est un monstre. Dès le moment
où on se met à en savoir
plus sur lui, mais surtout à
réfléchir, à songer
au fait quil est un être
humain comme nous, quil a une
famille, des enfants, quil aime
les Big Mac ou les couchers de
soleil, il devient très difficile
de le tuer sans remords. Cet exercice
dintrospection, comme lécrit
un lecteur du Centre des médias
alternatifs de Québec, seules
les sociétés "riches"
ont, pour linstant, les moyens
de le faire, si leurs médias
et leurs sytèmes déducation
veulent bien sen donner la peine.
"Les pays pauvres seront capables
un jour de faire le même exercice
d'introspection, mais à condition
que les pays riches donnent l'exemple
de nations supposées évoluées
et démocratiques. Et surtout
à condition qu'on leur fournisse
l'aide et l'instruction nécessaires
pour sortir du joug de l'ignorance."
Pensons au savoir scientifique.
On peut rêver, par exemple, à
ce qui se passerait si les humains prenaient
véritablement conscience de ce
que signifient les percées phénoménales
de la génétique dont ils
nont généralement
retenu, jusquici, que quelques
échos spectaculaires. Sil
pouvait simprégner fermement
dans la conscience collective le fait
que nous partageons 97% de notre code
génétique avec le chimpanzé,
il deviendrait plus difficile dimaginer
quun autre être humain soit
si différent de nous. Si les
édifices élevés
à la conquête des nuages
devenaient perçus par la population
comme des manifestations dhubris
choquantes à lère
des famines, des guerres civiles et
des épidémies qui ravagent
un continent. Sil y avait davantage
de groupes ayant acquis le savoir nécessaire
pour lutter, juridiquement, contre les
multinationales pharmaceutiques, afin
de réduire le prix des médicaments,
les pays les plus pauvres se retrouveraient
soudain avec davantage de ressources
à diriger vers leurs propres
cerveaux.
Tout cela prend du temps.
Beaucoup de temps. Cela commence peut-être
par des leçons de géographie,
comme
dans cette classe de Dallas où
on a soudain voulu en savoir plus sur
lAfghanistan. Ou par des cours
dhistoire, pour rappeler que la
guerre nest pas lentreprise
glorieuse que les chefs d'Etat laissent
croire. Ou par des rappels, comme la
souvent fait la télé cette
semaine, à leffet quune
ville bombardée, cela signifie
des souffrances, en tous points semblables
à celles quon a vu et revu
à New York.
Pour éviter que
"cela" ne se reproduise trop
de fois.
Car il y a aura une prochaine
fois. Même avec la meilleure éducation
du monde, létat desprit
qui conduit au fanatisme ne sera pas
éradiqué en une ou deux
générations. Il y aura
une prochaine fois, sinon plusieurs
autres. A un moment donné, les
terroristes auront-ils en leur possession
une bombe nucléaire, comme dans
le roman prophétique de Dominique
Lapierre et Larry Collins, Le Cinquième
cavalier? Si cela devait se produire,
il y aurait alors bien davantage que
deux tours qui tomberaient, et les victimes
ne se compteraient pas en milliers,
mais peut-être en millions.
Pour citer Lapierre et
Collins: "lhumanité
pouvait soffrir le luxe dengendrer
des tyrans à lépoque
du sabre, pas au siècle de latome."
Pascal
Lapointe
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