Faut-il
réglementer
la biologie afin
déviter
que la recherche
ne conduise à
la création
darmes biologiques ?
La question est
posée le
plus sérieusement
du monde par la
revue Nature
elle-même
qui, dans un reportage
et un éditorial
publiés dans
sa dernière
édition,
sindigne de
ce que les biologistes
ne se soient pas
davantage interrogés,
depuis une décennie,
sur les conséquences
de certains de leurs
travaux, alors que
lactualité
leur rappelait de
plus en plus la
menace dun
bioterrorisme.
Dans
le cadre dun
congrès de
lindustrie
pharmaceutique tenu
à Londres
le 6 novembre, le
directeur du groupe
de travail du ministère
américain
de la Défense
sur le bioterrorisme,
George Poste, a
critiqué
les biologistes
pour leur "naïveté"
et les a enjoints
à réfléchir
au plus vite à
la façon
dont les données
recueillies par
des recherches légitimes
pourraient être
détournées
à des fins
malveillantes. Il
est temps, a-t-il
lancé, que
la biologie "perde
son innocence".
Sans
quoi, a-t-il implicitement
ajouté, les
gouvernements pourraient
se charger eux-mêmes
de réglementer
le travail des scientifiques...
Et
dans son éditorial,
Nature ne
sinsurge pas
contre cette menace
voilée: au
contraire, elle
reconnaît
que les biologistes
ont failli à
leur responsabilité
de citoyens en refusant
de sinterroger
sur les conséquences
de leurs actes,
au contraire des
physiciens qui se
sont insurgés
contre le développement
des armes atomiques,
dès les années
40. Un geste qui
na certes
pas empêché
le développement
de ces armes, mais
a au moins accéléré
la prise de conscience
internationale d'un
risque mortel, et
la mise en place
de mécanisme
pour le gérer
ce fut la
création
de lAgence
internationale de
lénergie
atomique.
"En
suggérant
que les biologistes
sauto-disciplinent
pour empêcher
la libre-circulation
dinformations
vers des créateurs
darmes biologiques,
George Poste se
gagnera peu damis
dans les laboratoires,
écrit
léditorialiste
(la
lecture de ce texte
nécessite
une inscription
à Nature).
Mais les biologistes
seraient bien avisés
de méditer
sur ces commentaires...
Nature avait
exprimé les
mêmes inquiétudes
dans un éditorial,
en mai dernier...
Une certaine retenue
est souhaitable
lorsquon saventure
aux frontières
de la biologie."
"Ce
qui, à mon
avis, est impensable,
est le statu quo,
à savoir
de permettre à
de linformation
hautement sensible
dentrer dans
le domaine public",
a
ajouté George
Poste, qui fut
également
ancien directeur
de recherche chez
le géant
pharmaceutique SmithKline
Beecham.
Mais
comment réglementer
de la recherche
scientifique sans
du même coup
la museler ?
Cest là
que Poste et Nature
divergent, lorsque
le premier cite
en exemple une loi
anti-terroriste
actuellement étudiée
au Congrès,
qui limiterait aux
seuls détenteurs
de la citoyenneté
américaine
laccès
à des agents
biologiques potentiellement
dangereux. Une proposition
qui a déclenché
les hauts cris chez
les biologistes
il faut se
rappeler quen
recherche de pointe,
les "chercheurs
invités"
venus de létranger
sont nombreux.
Que
faire, par exemple,
dune recherche
médicale
menée en
Australie, sur un
vaccin contraceptif,
qui prend la forme
dun virus
fabriqué
pour tromper le
système immunitaire?
De lobjectif
initial le
contraceptif- jusquà
un virus qui, modifié
et "amélioré",
pourrait devenir
une arme redoutable,
il ny a que
quelques pas...
Ces chercheurs australiens
ont justement reconnu,
plus tôt cette
année, avoir
involontairement
créé
une souche plus
virulente du virus
de la variole des
souris. Aurait-il
fallu interdire
dès le départ
leurs recherches
sur le contraceptif ?
Les milieux scientifiques,
féministes,
sans parler des
associations de
défense des
libertés
civiles, auraient
hurlé.
"Nous
considérons
la plus grande ouverture
(dans la diffusion
dinformation)
comme sacro-sainte",
proteste Tony Fauci,
directeur de lInstitut
national de recherche
sur les allergies
et les maladies
infectueuses à
Bethesda, Maryland.
Il se dit également
sceptique quant
à la possibilité
de restreindre laccès
à des banques
de données
contenant des informations
délicates.
"Je
passe déjà
90% de mon temps
avec les organismes
de réglementation",
sinsurge Malcolm
Brenner, du Collège
Baylor de médecine
à Houston,
Texas, et président
de la Société
américaine
de thérapie
génique.
"Toute réglementation
supplémentaire
sera le baiser de
la mort."
Là
où Nature
rejoint Poste, cest
dans cette idée
dobliger les
chercheurs, lorsquils
soumettent leurs
projets, à
réfléchir
aux implications
possibles et
à carrément
lécrire
dans leur demande
de subvention. Cela
nempêchera
pas des organismes
tels que les National
Institutes of Health
daccorder
la subvention, mais
cela démontrera
au moins quun
effort de vigilance
est en marche.
Rappelons
quest toujours
sur la table un
projet de traité
international, piloté
par les Nations
Unies, visant à
interdire la production
et lentreposage
darmes biologiques.
Les États-Unis
se sont opposés
à sa ratification
en juillet, et
sy opposeront
toujours cette semaine,
lors dune
rencontre de 144
pays à Genève.
Ce qui risque de
reléguer
le traité
dans les limbes
pour plusieurs années...