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semaine du 27 août 2001



La Terre en voie de disparition


Si 10 espèces animales disparaissent, c’est tout l’équilibre écologique qui s’en trouve bouleversé : les plantes qu’ils mangeaient, les prédateurs qui les chassaient, et ainsi de suite. Mais si des milliers d’espèces disparaissent chaque année, n’est-ce pas la Terre entière qui s’en trouve menacée?


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C’est le cri d’alarme que (re)lance Richard Leakey, ancien directeur des services civils du Kenya, célèbre depuis des décennies pour sa défense des grands singes d’Afrique. Au cours d’une conférence prononcée la semaine dernière en Afrique du Sud, il a lancé un chiffre effarant: la planète verrait disparaître entre 50 000 et 100 000 espèces (animaux, végétaux, insectes, poissons, etc.) chaque année. Un chiffre contestable, et contesté. Mais déjà deux fois plus élevé que ce qu’il avait lui-même estimé il y a quatre ans.

S'il y a vraiment autant d’espèces qui disparaissent, alors c’est la Terre elle-même qui est en péril. Parce que chacune de ces espèces est liée à des dizaines d’autres: soit parce que c’est un herbivore qui sert de garde-manger à un carnivore, soit parce que c’est un insecte qui contribue à l’équilibre entre les plantes et les insectes ravageurs dans une région donnée.

Et des espèces qui disparaissent à un tel rythme, on n’a vu ça, selon Leakey, qu’à cinq reprises dans toute l’histoire de notre planète: les cinq extinctions de masse que la Terre a connu au cours de son histoire, la dernière étant celle qui a vu mourir les dinosaures, il y a 65 millions d’années.

Autrement dit, "à ce rythme, nous approchons probablement un niveau similaire à une extinction de masse". La "sixième extinction", que nous annoncent depuis une dizaine d'années certains biologistes pessimistes -et quelques auteurs de science-fiction.

Cette conférence est survenue au même moment où, à l’autre bout du monde, à Madison, Wisconsin, le 86e congrès annuel de la Société écologique américaine était le lieu de présentation d’une nouvelle étude, sur les mammifères en voie de disparition cette fois. Une équipe de l’Université nationale autonome de Mexico a tenté de mesurer avec précision ce fameux impact qu’a la disparition d’une espèce: son point de départ fut un contraste frappant entre deux forêts du Sud du Mexique, l’une, au Chiapas, à peu près intouchée, et l’autre, près de Veracruz, où 46% des mêmes espèces animales (jaguars, singes, tapirs, etc.) ont, depuis 30 ans, été systématiquement chassées ou capturées. Résultat: la deuxième forêt ne se contente pas d’abriter moins d’animaux, elle présente aux observateurs beaucoup moins d’espèces végétales, qui connaissent une croissance moins rapide.

L’écologiste Rodolfo Dirzo et son étudiant Eduardo Mendoza ont donc mené dans ces forêts différentes expériences pour confirmer le "rôle des mammifères dans la croissance forestière": par exemple, en dressant des clôtures pour empêcher les mammifères d’approcher tel et tel site.

Il leur a tout de même fallu deux ans pour compléter cette expérience. Tous les chercheurs n’ont pas autant de patience, d’autant moins que, même après deux ans, les résultats ne sont que fragmentaires: l’évolution d’un écosystème se mesure plutôt sur des décennies. Or, rappelle le Dr Leakey depuis Le Cap, le temps presse. Tout indique que le taux de disparition des espèces s’accélère, ce qui augure très mal. Vouer davantage de territoires à la conservation des espèces serait déjà un premier pas, d’autant plus que personne ne peut dire si le taux de disparition actuel pourrait s’inverser du jour au lendemain, même si des mesures radicales de protection devaient être prises du jour au lendemain.

Si la tendance actuelle ne s’inverse pas, ajoute Richard Leakey, le monde perdra quelque 55% de ses espèces d’ici un siècle. Une telle catastrophe écologique dépasse tout ce qu’on peut imaginer, et ses conséquences sur les espèces survivantes sont impossibles à prédire. Les dinosaures ne sont plus là pour en parler...

 


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