La glace fait trembler la terre
(Agence Science-Presse) - La fonte des
glaces ne dérange pas seulement les ours polaires.
Elle perturbe un sol qui, dans certains cas, n'a pas
bougé depuis des milliers d'années -parce
qu'il était gelé pendant tout ce temps.
Et les villages des environs en sont menacés.
Il faudra sans doute revoir le vocabulaire.
Parce que dès la petite école, on apprend
que le mot permafrost signifie: sol gelé
en permanence. C'est un sol qui, en effet, même
au cur de l'été, reste, à
quelques mètres de profondeur, gelé, aussi
dur que le roc. Dans le Grand nord canadien ou les plaines
éternelles de Sibérie, c'est une réalité
de la vie depuis au moins 10 000 ans.
Mais plus maintenant. Le réchauffement
global fait des siennes là-bas aussi. Des communautés
se retrouvent soudain assises sur un sol instable -et
devront vraisemblablement déménager.
Le printemps dernier, les habitants d'un
édifice à quatre étages de Cherskii,
village situé au-delà du cercle polaire,
dans le Nord-Est de la Sibérie, ont dû
empaqueter leurs biens en quatrième vitesse et
fuir: quelques heures plus tôt, une large déchirure
était apparue sur un des murs de leur édifice.
Le sol, en-dessous, n'était plus dur comme du
roc, il était au contraire en train de fondre.
Le sous-sol de l'édifice s'est enfoncé
de plus d'un mètre et, en trois jours, des pans
entiers s'étaient effondrés. "C'était
comme un tremblement de terre", compare, pour
la revue Science, Vladimir Romanovsky,
de l'Université de l'Alaska à Fairbanks,
qui a surveillé les lieux tout au long du mois
de juin.
De tels événements deviennent
dangereusement familiers aux résidents du Grand
nord russe. Des routes trouées, des pistes d'atterrissages
fracturées, et des édifices fissurés.
Dans certains cas, c'est la chaleur produite par les
constructionsqui a accéléré la
fonte du permafrost, sous leurs pieds. Mais les travaux
des ingénieurs depuis 10 ans ont démontré
que des éléments naturels plus puissants
étaient bel et bien en jeu.
L'Institut du permafrost, à Yakoutsk,
tiendra le mois prochain un congrès international
sur "l'ingéniérie du permafrost", qui
attirera des experts des Etats-Unis et du Canada, également
fort concernés par cette nouvelle vengeance de
notre petite planète.