
Le 31 octobre 2002

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Les fraudes et comment les empêcher
(Agence Science-Presse) - La découverte
récente de résultats de recherche falsifiés
en nanotechnologie (voir ce texte)
a obligé à se poser des questions sur la façon
dont les revues spécialisées sélectionnent,
et surtout vérifient, les recherches qu'elles acceptent
de publier. On savait que l'adage "publier ou périr"
(publish or perish) pesait sur la tête des
chercheurs; mais voilà qu'on s'aperçoit qu'il
pèse aussi très lourd sur la tête de
certaines revues.
Un rappel, tout d'abord. Une revue savante
comme Nature, Science ou le New England Journal
of Medicine s'appuie sur un processus de publication
qui n'a rien de commun avec une revue de vulgarisation comme
Science et Vie ou Québec Science: pour
qu'une recherche y soit publiée, elle doit être
passée par une série de filtres, dont le plus
important est celui du comité de relecture. Il s'agit
d'un comité de scientifiques appartenant à
la même branche que l'auteur de la recherche, dont
la tâche est de regarder à la loupe ses résultats.
Du moins, ça, c'est la théorie.
En réalité, bien des facteurs ont pour conséquence
que la loupe n'est pas aussi puissante qu'elle le devrait.
Les membres du comité de relecture manquent de temps,
ou connaissent bien l'auteur, ou relisent mais sans s'attarder
aux détails et sans se donner la peine de passer
les données au crible... S'ajoute à cela le
fait que les revues elles-mêmes, en compétition
les unes avec les autres, peuvent être tentées
de laisser passer plus facilement une recherche qui risque
de faire parler d'elle et ainsi, de leur faire de la publicité...
Arrive donc ce qui doit arriver: des fraudeurs passent au-travers
des mailles du filet.
Avant le scandale des nanotechnologies du
mois dernier, il y avait eu, en mars dernier, cette recherche
faisant état d'une soi-disant fusion à froid
(voir ce texte), au Laboratoire
national d'Oak Ridge (Tennessee), et que la revue Science,
envers et contre tous, avait choisi de publier. Dans ce
cas-ci, il se trouvait même des chercheurs qui, ayant
révisé la recherche en question, l'avait jugée
pleine de trous. Mais Science avait tout de même
décidé d'aller de l'avant.
Et puis, en avril, la revue Nature
avait désavoué un article publié dans
ses pages en 2001, qui suggérait qu'au Mexique, de
l'ADN de maïs génétiquement modifié
aurait réussi à envahir une forte proportion
du maïs mexicain "normal". Depuis l'an dernier, personne
n'est parvenu à démontrer comment les premiers
chercheurs avaient pu en arriver à cette conclusion.
Dans ces deux cas certes, on ne parle pas
de fraude: les données préliminaires dont
disposaient les chercheurs leur permettaient effectivement
d'arriver à ces conclusions préliminaires.
Mais Science ou Nature ne sont pas censées
être le lieu de publication de résultats préliminaires:
il y a des revues plus spécialisées et plus
obscures pour ça.
Dans une enquête que publie justement
Nature à ce sujet, les dirigeants de Science
et de Nature nient que leurs critères de qualité
aient été abaissés en raison d'un esprit
de compétition accru. Mais dans le cas de cette histoire
de fraude autour des nanotechnologies, l'opinion du Prix
Nobel de physique Robert Laughlin, de l'Université
Princeton (New Jersey), est tranchée: ces revues
"ont choisi des réviseurs dont elles savaient qu'ils
seraient favorables". Il faut dire que lui-même n'est
pas neutre dans cette affaire: il aurait pu être un
réviseur des travaux de Jan Schön, cette vedette
des nanotechnologies aujourd'hui discrédité,
et il est convaincu qu'il n'a pas été approché
en raison des vives critiques qu'il avait déjà
émises sur le travail de ce jeune homme. Nature
et Science rejettent ces accusations. Et comme toutes
deux tiennent mordicus à leur politique de confidentialité
sur leurs comités de révision, on ne sait
pas trop par quel bout attaquer la réforme qui s'imposerait
peut-être dans la façon dont les revues sélectionnent
leurs recherches...
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