Cest que depuis lannonce
de la naissance de la brebis Dolly, en 1997,
une série dévénements
est venue confirmer lurgence dadopter
des règles. Le dernier en date étant
cette annonce,
en novembre, par lentreprise américaine
Advanced Cell Technology, de la création
de soi-disant clones humains. Qui, sils
nont pas vécu plus de quelques
heures, nen ont pas moins fait frissonner
une partie de la planète.
Dans tous les pays, les législateurs
se heurtent à la même question,
bien plus ancienne que tous les débats
sur le clonage: quel est le statut de lembryon?
Pour les uns, dont les groupes religieux,
lembryon est un être humain
à part entière, et doit à
ce titre être respecté et protégé.
Pour les autres, il est un extraordinaire
matériau thérapeutique, source
intarissable des fameuses cellules souches:
ces cellules "bonnes à tout
faire" qui peuvent en théorie
donner naissance à toutes sortes
dorganes et ouvrir ainsi la voie à
une nouvelle médecine, dite "régénératrice".
Les pays développés
restent - du moins officiellement - farouchement
opposés au clonage reproductif, cest-à-dire
celui auquel on doit la brebis Dolly, donc
celui qui permettrait de donner naissance
à des doubles de personnes vivantes
ou mortes. Mais le clonage thérapeutique,
lui, est beaucoup plus controversé.
Il vise à créer, à
partir dune cellule dun patient,
un embryon (qui serait, donc, le clone du
patient) afin de récupérer
ses cellules souches, lesquelles se transformeront
en de nouveaux organes ou tissus "de
rechange"; organes qui seront bien
sûr compatibles avec le donneur, puisquils
seront les clones de ses propres organes.
La cacophonie règne
au Congrès américain. Sénateurs
et Représentants sont extrêmement
divisés sur la question et aucun
camp ne semble vouloir lâcher prise.
En juillet dernier, la Chambre des Représentants
a adopté une proposition de loi interdisant
toute forme de clonage humain. Dans les
semaines à venir, le Sénat
examinera une autre proposition de loi,
qui autoriserait cette fois les scientifiques
à créer des embryons par clonage
pour la recherche médicale.
Chaque camp se
retranche dès lors derrière
ses " groupes dexperts "
qui se renvoient la balle à coup
de rapports contradictoires : lAcadémie
des Sciences américaine sest
prononcée mi-janvier en faveur du
clonage thérapeutique. Elle propose
en outre un moratoire de cinq ans sur le
clonage reproductif, "tant que les
techniques ne sont pas au point". Au
même moment, le conseil de bioéthique
du Président George Bush a clairement
affiché son désir de voir
interdire toute forme de clonage.
Lassés par une bataille
dont personne ne voit venir la fin, certains
Etats pensent même à ériger
leurs propres lois, ce qui ne simplifierait
guère les choses. "Si ça
continue, on va voir arriver un patchwork
de règles où le clonage thérapeutique
sera autorisé dans les Etats libéraux
et interdit dans les régions conservatrices",
résume
lhebdomadaire britannique Nature.
A lopposé, la
classe politique française a été
gagnée par un large consensus. LAssemblée
Nationale vient dadopter un projet
de loi qui interdira toute forme de clonage
par 325 voix contre 21. Le projet sera examiné
au Sénat à lété
ou lautomne avant dêtre
définitivement accepté.
Laccord a été
tel que les législateurs ont négligé
de débattre dun autre aspect
de la loi, qui autorisera les recherches
sur les embryons surnuméraires congelés
autrement dit, les embryons créés
par fécondation in vitro et qui sont
restés " inutilisés ".
Ces recherches permettront aux scientifiques
de fabriquer leurs propres lignées
de cellules souches. Or, une telle loi aurait
fait bondir la majorité des Français
il y a encore quelques années
cest dire si les barrières
morales évoluent rapidement depuis
la naissance de Dolly.
A première vue, lAllemagne
apparaît comme lun des pays
les plus conservateurs dEurope :
pas question pour elle dautoriser
le clonage ou même toute recherche
sur lembryon. Pourtant, sous la pression
de ses scientifiques, le pays vient de légaliser
en toute discrétion limportation
de cellules souches venues de létranger.
Et qui, donc, proviendront dembryons,
clonés ou non. La décision
a provoqué un tollé en France,
qui y voit une façon de se débarrasser
des problèmes éthiques liés
à la recherche sur lembryon...
tout en profitant des recherches des autres
pays pour faire avancer sa propre recherche
médicale
La Grande-Bretagne est le
seul pays européen à sêtre
doté dune législation
autorisant sans ambiguïté la
création dembryons humains
à des fins thérapeutiques.
A défaut de règles
claires, sept pays de lUnion permettent
encore la naissance denfants clonés
sur leur territoire : la Suède (qui
a annoncé fin-janvier quelle
allait interdire le clonage reproductif
et légaliser le clonage thérapeutique),
la Finlande, le Danemark, les Pays-Bas,
la Belgique, le Luxembourg et le Portugal.
Mais la plupart de ces pays veulent en finir
avec un flou juridique, qui devient de plus
en plus dangereux, à mesure que le
temps passe...
Isabelle Cuchet