Le résultat, cest
un embryon qui, sil nest pas
viable, ne pourrait pas moins résoudre
dun seul coup tous les problèmes
éthiques qui bloquent le clonage
thérapeutique. Presque tous. Le clonage
thérapeutique étant cette
version du clonage dont lobjectif
nest pas dobtenir un bébé,
mais un embryon dembryon, qui servira
"dusine à organes".
Car un embryon, cest
le lieu par excellence où trouver
ces fameuses cellules-souches qui attirent
tant de convoitises depuis trois ans: cest-à-dire
des cellules qui ne se sont pas encore spécialisées,
et auxquelles, si on parvient à trouver
le truc, on peut ordonner de se transformer
en ce quon veut (foie, rein, rate,
coeur, morceau de peau, etc.). Sauf quun
embryon, cest aussi un être
humain en devenir, doù lopposition
farouche dune foule de groupes et
jusquau président américain
George Bush- à toute forme dexpérience
sur ces cellules-souches, et à toute
forme de clonage, thérapeutique ou
pas.
Mais quarriverait-il
si on démontrait quil est possible
dobtenir ces cellules-souches juste
en ordonnant à un ovule de se diviser ?
Normalement, pour quil fasse ça,
il lui faut un spermatozoïde: de la
rencontre des deux jaillit une nouvelle
cellule composée des 46 chromosomes
constituant le futur être humain.
Et à partir de là, la cellule
se divise, et devient deux cellules, puis
quatre, puis huit, et ainsi de suite. Il
existe par contre, dans la nature, des insectes
et des lézards qui se reproduisent
sans laide du spermatozoïde:
on appelle ça la parthénogénèse.
Or, après lavoir expérimenté
depuis deux ans chez des souris, des scientifiques
américains affirment
lavoir accompli, avec succès,
chez des singes.
Non pas quils aient
obtenu un bébé-singe: lovule
quils ont obligé à se
diviser ne pouvait pas conduire à
un être viable, faute, justement,
de ce spermatozoïde. Mais l'ovule sest
tout de même divisé jusquà
donner 300 cellules, ce qui était
bien assez pour quon puisse commencer
à y prélever des cellules-souches.
Ce qui fut fait : les chercheurs affirment
avoir produit
des neurones et des cellules cardiaques
et musculaires à partir de ces cellules-souches.
Bref, des
embryons éthiquement corrects,
pour reprendre le titre de Libération.
Lexploit a été accompli
par une équipe de lUniversité
Wake Forest et, surtout , de la firme Advanced
Cell Technology la même qui,
à la fin-novembre, avait lancé
cette annonce douteuse sur le soi-disant
clonage dun embryon humain en
réalité, des clonages qui
sétaient arrêtés
après quelques cellules (lire ce
texte). Mais qui avaient justement consisté,
dans la moitié des cas, à
obliger un ovule-sans-spermatozoïde
à se diviser...
La réussite sur ces
singes a été annoncée
en décembre dans un congrès
spécialisé, et ses résultats,
publiés dans la dernière édition
de la revue Science.
Il a fallu aux chercheurs
exposer 77 ovules de macaques à une
substance chimique dont ils se gardent
bien de dévoiler la recette- destinée
à faire croire à ces ovules
quils avaient été fertilisés
par le spermatozoïde. De ces 77, le
tiers, soit 28, ont commencé à
se diviser, et quatre se sont rendus jusquau
stade appelé blastocyste (environ
300 cellules), où il est possible
dextraire les fameuses cellules-souches.
Bref, cest une expérience
qui ressemble beaucoup à celle sur
des cellules humaines dévoilée
à la fin-novembre
à cette différence près
que cette fois, les scientifiques ont obtenu
un vrai résultat.
Prochaine étape, les
humains ? Cest ce que croit le
président dAdvanced Cell Technology,
le Dr Michael West.
Pas si sûr. "Chaque
mammifère présente ses propres
difficultés", fait remarquer
Davor Solter, de lInstitut Max-Planck,
en Allemagne, pour linstant sceptique
quand aux applications pratiques de cette
réussite.
Mais sils croyaient
avoir ainsi éliminé les discussions
éthiques, les chercheurs se trompaient.
"Si ces embryons de primates créés
par parthénogénèse
semblent avoir les caractéristiques
des embryons au point où les
cellules-souches peuvent être extraites
et différenciées en différentes
parties du corps- alors quoi, nous avons
un embryon", sexclame, sur les
ondes de la BBC, le bioéthicien et
directeur de la Société religieuse
dEcosse, le Dr Donald Bruce.
Déjà, certains
se surprennent à rêver au jour
où, dun laboratoire, naîtra
une brebis Dolly parfaitement en santé...
et conçue par parthénogénèse,
donc sans papa.