
Le 10 novembre 2003

Retour
au sommaire des capsules
Les promenades de l'homme des glaces
(Agence Science-Presse) - L'homme des glaces
n'a finalement pas tellement voyagé... même
pour quelqu'un d'il y a 5300 ans. Les scientifiques estiment
qu'il a passé toute sa vie à moins de 60 kilomètres
autour de son lieu de naissance.
On aurait pourtant cru que la chimie révélerait
un autre portrait: après tout, il s'agit d'un homme
que l'on a retrouvé dans les Alpes, à des
lieues de ce qu'on aurait imaginé comme campement
traditionnel. Les plus romantiques voyaient en lui le premier
randonneur de l'histoire...
Eh bien pas du tout. Oötzi, ainsi nommé
en l'honneur de la vallée près de laquelle
ses restes ont été découverts en 1991
(à la frontière de l'Italie et de l'Autriche),
dont on connaît désormais l'âge (46 ans),
l'état de santé (pas mauvais, n'eut été
de cette blessure de flèche), son ADN mitochondrial
et les causes de sa mort (la flèche sus-mentionnée,
une chute et le froid), a vu les atomes de ses dents, de
ses os et de son dernier repas, passés au crible,
et comparés avec la géologie locale. Après
trois ans de travail, Wolfgang Müller, de l'Université
nationale australienne à Canberra il y a trois
ans, il travaillait à l'Institut fédéral
suisse de technologie et ses trois collègues
d'autant de pays, concluent de ces analyses qu'Oötzi
est originaire de la vallée d'Eisack, une vallée
du sud du Tyrol, à moins de 60 kilomètres
du lieu où il a été retrouvé.
Le travail derrière cette conclusion
impressionne davantage la communauté scientifique
que la conclusion elle-même. Car une telle analyse
des isotopes, comparée à la géologie
locale, c'est une première. C'est de la médecine
légale géochimique, pour reprendre l'expression
de la revue américaine Science, qui a publié
cette recherche.
Plus simplement, c'est la première
fois que des chercheurs réussissent
à faire une analyse aussi détaillée
des voyages d'un humain de la préhistoire.
En gros, les chercheurs ont comparé
ce qu'ils ont trouvé chez Oötzi à ce
qu'ils ont trouvé dans des dizaines d'échantillons
de sols, de roches et d'eau; sachant que l'émail
des dents se fixe au moment où la dent est formée,
on y retrouve donc, pour peu qu'on fouille au microscope
électronique, la signature d'aliments ingérés
entre les âges de 3 à 5 ans. Les os quant à
eux, se redonnent une nouvelle couche minérale tous
les 10 à 20 ans, suivant, là encore, ce que
l'on mange. Et c'est ainsi que, atome par atome, on peut
se faire une petite idée des déplacements
de l'individu.
Au passage, un motif de satisfaction pour
les Italiens. Eux qui se battent depuis 12 ans avec les
Autrichiens pour savoir à qui appartient ce corps
-il a été retrouvé du côté
italien, mais à seulement 90 mètres de la
frontière- ils en ont maintenant la preuve: Oötzi
est né, ou du moins a passé la majeure partie
de sa vie, dans ce qui s'appellera, 5000 ans plus tard,
l'Italie.
Capsule
suivante
Retour
au sommaire des capsules
Vous aimez cette capsule? L'Agence Science-Presse
en produit des semblables -et des meilleures!- chaque
semaine dans l'édition imprimée d'Hebdo-science
et technologie (vous désirez vous abonner?).
Vous voulez utiliser cette capsule? Contactez-nous!
|