
Le 13 novembre 2003

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Après le brevetage des gènes, le brevetage
des protéines?
(Agence Science-Presse) - Chercheurs et politiciens
n'ont même pas fini de se dépêtrer de
ce sac de noeuds que promet d'être le brevetage des
gènes que, déjà, commencent à
s'empiler les demandes de brevets pour des protéines.
En décembre 2001, la firme de biotechnologie
britannique Oxford GlycoSciences (OGS) a ouvert le bal,
en annonçant qu'elle tentait de breveter plus de
4000 protéines, toutes liées à des
maladies. Les médias en ont si peu parlé et,
assez étonnamment, les opposants au brevetage du
vivant ont si peu protesté, que l'affaire est pour
ainsi dire tombée dans l'oubli. Avec pour résultat
que d'autres compagnies se sont jetées dans la mêlée:
de toute évidence, une protéine semble moins
gravissime aux yeux de l'opinion publique qu'un gène,
allez savoir pourquoi.
Et pourtant. De la même façon
qu'un brevetage à outrance des gènes (les
premières demandes remontent à 1991) a d'ores
et déjà mis des bâtons dans les roues
à une recherche scientifique libre impossible,
par exemple, de développer un test génétique
sans passer au-travers d'une pile d'autorisations
de la même façon donc, le brevetage des protéines
mettra des bâtons dans les roues à la recherche,
au fur et à mesure que se développera la protéomique
l'étude des protéines. Ce qui ne saurait
tarder.
C'est qu'à mesure qu'avance la technologie,
le décodage de différentes espèces
vivantes engendre une quantité astronomique de données.
Un seul projet de recherche, adéquatement financé,
peut désormais résoudre les structures de
milliers de protéines en quelques mois. Ce qui fait
autant de protéines en théorie "brevetables"
donc, soudain hors d'accès des chercheurs qui
ne se conformeront pas aux conditions des "découvreurs".
Certes, concède cette semaine la revue
britannique Nature,
le gouvernement américain a serré la vis aux
apprentis-breveteurs. Depuis décembre 1999, le Bureau
des brevets pose comme condition que l'on démontre
"l'utilité" du dit brevet, ce qui n'est pas toujours
facile jusque-là, les scientifiques-entrepreneurs
se contentaient de breveter tous les gènes qu'ils
venaient d'identifier, au cas où...
Et même lorsqu'on réussit à
avoir un brevet, ce n'est pas la porte vers le Saint-Graal.
En 2002, moins d'un an après avoir obtenu ses 4000
brevets sur autant de protéines, la compagnie OGS
a dû réduire son personnel de 20%, faute de
fonds. L'année suivante, au bord de la faillite,
la compagnie était rachetée par un concurrent
londonien... qui est intéressé par ses recherches
sur le cancer, mais essaie présentement de vendre
sa division protéomique, jugée peu rentable.
Bref, on a raison d'être inquiet lorsqu'autant
de zigotos veulent s'acheter le vivant. Mais pour l'instant,
toutes ces recherches qu'ils espèrent très
lucratives ont produit plus d'espoirs que d'espèces
sonnantes et trébuchantes...
Pascal Lapointe
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