
Le 27 juin 2003

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Les secrets du mâle
(Agence Science-Presse) - Le chromosome Y,
celui qui définit ce qu'est un mâle, est en
bien mauvaise posture: à mesure que s'écoulent
les millions d'années, il rétrécit,
au point où certains annoncent sa disparition. Pas
si vite, viennent de répliquer des généticiens:
le Y a un instinct de survie qu'on avait sous-estimé.
"Nous sommes engagés dans un travail
visant à redonner sa respectabilité au chromosome
Y", déclare à la revue Nature le généticien
David Page, du Massachusetts Institute of Technology. Son
équipe vient de compléter un travail que la
revue Nature, dans une analyse complémentaire, compare
rien de moins qu'au premier tour du monde accompli il y
a cinq siècles par Magellan: un tour du monde d'une
terra incognita de notre matériel génétique.
C'est que le portrait du chromosome Y était
jusqu'ici aussi peu connu que peu reluisant. D'abord, parce
qu'il est bien plus petit que le X rappelons qu'une
femme possède deux chromosomes X, un homme, un X
et un Y, et c'est cette microscopique différence
qui fait foi de tout. Si le Y est si petit, c'est parce
qu'il a perdu des gènes au fil des ères, depuis
l'époque des dinosaures. Il a désormais carrément
l'allure
d'un territoire où les gènes inutiles s'en
vont pour mourir.
Bref, si la tendance se maintient, disent
plusieurs généticiens, le chromosome Y aura
disparu, dans 10 ou 20 millions d'années. Le sexe
masculin serait condamné.
Une raison de ce déclin est que, par
sa nature même, le Y ne peut pas mélanger ses
mauvais gènes. Lorsqu'un mâle et une femelle
font un enfant, leurs gènes se mèlent. Dans
ce processus que les généticiens appellent
recombination, deux chromosomes X peuvent bien s'entremêler
sans qu'une femelle n'en soit fondamentalement changée.
En revanche, un Y ne peut pas se "recombiner" avec un X:
s'il le faisait, toutes les femelles deviendraient mâles.
Le Y est donc condamné à rester seul dans
son coin. D'où son déclin, au fil des âges.
Mais il possède une parade, vient de
constater l'équipe de l'Institut Whitehead de Cambridge
responsable de ce "tour du monde" du chromosome Y. Bien
que, chez l'être humain, il ne compte plus qu'une
quarantaine de gènes actifs (contre une moyenne d'un
millier pour les autres chromosomes), le Y ne peut vraisemblablement
plus en perdre d'autres, parce
qu'il se recombine avec lui-même.
En d'autres termes, ce que les chercheurs
ont découvert, c'est que la portion de ces gènes
responsables de la fertilité mâle, résident
dans une région beaucoup plus complexe qu'on ne le
croyait du chromosome Y, où ces gènes sont
des reflets les uns des autres. Ce qui leur permet de s'unir,
de se réparer mutuellement: un processus d'auto-réparation
en quelque sorte, qu'on ne retrouve nulle part ailleurs
dans notre bagage génétique.
Un peu partout dans les revues spécialisées
depuis une semaine, cette découverte est décrite
comme une réussite extraordinaire: car bien qu'on
ait annoncé haut et fort ces dernières années
avoir achevé le décodage du génome
humain, ce qu'on a décodé est en fait une
série de lettres dont la signification nous échappe
encore en grande partie. Alors que dans ce cas-ci, les chercheurs
ont bel et bien compris quelque chose d'une longue séquence
de lettres; ils lui ont trouvé une signification,
et pas n'importe laquelle: une partie des mystères
de la reproduction. Pourquoi y a-t-il un monsieur et une
madame, et comment font-ils des bébés.
Pascal Lapointe
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