
Le 29 décembre
2003

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Iran: un séisme politique?
(Agence Science-Presse) - Un tremblement de
terre est un phénomène géologique,
mais il peut aussi se transformer en un séisme politique.
Il y a tout d'abord l'étonnement: quelques
heures à peine après le dévastateur
séisme de Bam, les États-Unis ont promptement
envoyé de l'aide à l'Iran, alors que ces deux
pays, depuis 1979, ont plutôt l'habitude de s'envoyer
des insultes.
Mais il y a surtout l'indignation: toutes
ces voix qui disent que si les constructions avaient été
le moindrement sécuritaires, le bilan se compterait
tout au plus par centaines de morts, et non par dizaines
de milliers.
C'est notamment ce qu'a dénoncé
depuis Montréal le Dr Amid Khadir, depuis Londres
Mohsen Aboutorabi, professeur d'architecture d'origine iranienne,
et depuis les quatre coins du monde, la diaspora iranienne
intervenant notamment sur le forum électronique de
la BBC. Les briques utilisées à Bam sont généralement
faites de terre cuite, qui se transforme instantanément
en poussière et en sable lorsque l'édifice
s'écroule. Ainsi, en plus de s'effondrer à
la moindre secousse, la
demeure se transforme en un amas qui laisse peu ou pas de
poches d'air pour d'éventuels survivants.
Or, la région est tout de même
coutumière des tremblements de terre. Le pays est
traversé par trois failles importantes. La capitale,
Téhéran, n'est pas non plus à l'abri:
il s'y produit en moyenne un séisme majeur par 150
ans (et le dernier important remonte à 1830), selon
son directeur du bureau de la prévention et de la
gestion des crises, Mazyar Hosseini. Beaucoup de bâtiments
modernes, déplore-t-il, sont construits sans tenir
compte des normes antisismiques et quant aux bâtiments
anciens, qui représentent plus de la moitié
de la ville, on n'en parle même pas.
Le séisme a certes été
d'une ampleur rarement vue à Bam, pour avoir réussi
à jeter à terre ce qui restait d'une forteresse
qui avait tenu le coup 2000 ans. Mais avec ses 6,7 sur l'échelle
de Richter, on a vu pire dans d'autres régions du
globe. C'est le fait qu'il se soit produit sous ces maisons
de terre cuite, et en pleine nuit, alors que tout le monde
était à l'intérieur, qui a produit
un résultat aussi désastreux.
Le
séisme politique, s'il se produit à son tour,
ne sera peut-être pas qu'au niveau des relations américano-iraniennes.
La BBC rappelle le tremblement de terre turc, qui a tué
quelque 15 000 personnes en 1999. Il a obligé l'establishment
turc à entamer des réformes: l'armée
s'est montré à ce point incompétente
dans la gestion de la crise que cela a permis aux autorités
civiles de regagner du terrain. L'écroulement d'autant
d'édifices modernes a de plus révélé
qu'ils étaient construits comme des châteaux
de cartes, faisant fi des réglementations antisismiques.
Enfin, la crise a accéléré un rapprochement
avec l'ennemi de toujours, la Grèce celle-ci
a, depuis, annoncé qu'elle allait appuyer l'entrée
de la Turquie dans l'Union européenne.
Le cas du Nicaragua est également intéressant
pour les historiens. Il a fallu le tremblement de terre
de 1972, qui a dévasté la capitale, Managua,
pour enfin braquer les projecteurs sur ce petit pays d'Amérique
centrale, après un demi-siècle de dictature
sanglante de la famille Somoza. Ce fut la première
des secousses qui ont conduit à la révolution
sandiniste de 1979.
Un processus similaire pourrait-il s'enclencher
en Iran? La façon dont le président que l'on
dit réformiste, Mohammad Khatami, va gérer
cette crise, pourrait être déterminante pour
son avenir, de même que pour la vitesse à laquelle
la société iranienne s'ouvrira au reste du
monde. Et pour la vitesse à laquelle la religion
s'éloignera de la politique: pour l'un des experts
iraniens en séismes, Bahram Akasheh, si les réglementations
antisismiques ne sont même pas appliquées à
Téhéran, qui en aurait pourtant les moyens,
c'est en raison d'un fatalisme tout ce qu'il y a de religieux.
"La plupart des gens croient que si c'est la volonté
de Dieu, ça va se produire." Alors à quoi
bon protéger une maison contre les tremblements de
terre?
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