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semaine du 6 janvier 2003



Le matin des hallucinés

Des extra-terrestres, des clones, et un peu de sexe. Quel média aurait pu résister à une pareille histoire?

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Fort heureusement, les journaux et téléjournaux ont été prompts à mettre en doute le sérieux de ce "bébé de l'année". Mais l'objectivité journalistique étant ce qu'elle est -si les Raéliens le disent, peut-être qu'ils l'ont vraiment fait- ils n'ont eu d'autre choix que de d'abord rapporter les propos de ceux que nous appellerons ici les hurluberlus de la science.

Quoique. Est-il exact de dire que les médias n'avaient pas le choix? Après tout, voici une scientifique, Brigitte Boisselier, qui n'a jamais travaillé de sa vie ni en technologies de la reproduction ni en médecine ni même en biologie -elle est chimiste- qui parle d'un bébé que personne n'a vu, né d'une mère que personne n'a vue, grâce à une technique que nul n'a identifiée, et à des experts que personne n'a nommés. Et qui obtient pourtant la Une de la majorité des journaux de la planète.

Quelle est la dernière fois qu'un scientifique a réussi à obtenir pareille visibilité?

Les médias se font fréquemment reprocher de ne pas accorder assez de place à l'information scientifique. Année après année, des découvertes en physique, en biologie ou en génétique, qui auront des répercussions incalculables dans les décennies à venir, passent presque inaperçues, reléguées sous la forme d'un entrefilet dans les pages intérieures. Débarque un groupe d'hurluberlus lançant une nouvelle qu'il leur a suffi d'enrober dans une apparence scientifique, et voilà que les médias leur accordent davantage de place qu'ils n'en ont accordé à tous les Prix Nobel réunis des 50 dernières années.

"Dès le moment où Clonaid a affirmé qu'elle n'avait aucune preuve de ce clonage, les reportages auraient dû cesser", s'indigne sur les ondes de MSNBC Arthur Caplan, directeur du Centre de bioéthique à l'Université de Pennsylvanie. "Cette histoire n'aurait même pas dû être imprimée", renchérit dans les pages du Pioneer Press de Saint-Louis (Missouri) le journaliste Joe Soucheray: "Les raéliens n'ont aucune crédibilité", et les médias méritent chaque ligne de critique qu'ils vont recevoir pour être ainsi tombés dans le panneau. Nous aurions dû, conclut-il, traiter cette histoire de la même façon que nous traitons les histoires de Bigfoot, de soucoupes volantes et d'astrologie.

L'objectivité journalistique, insiste le chroniqueur Tim Runnen, du Los Angeles Times, cette méthode qui consiste à montrer les deux côtés de la médaille, nous sert généralement bien. Mais dans une histoire comme celle-ci, elle démontre éloquemment ses limites: une secte de cinglés (a crackpot's cult), une annonce sans substance, une chercheure qui n'a jamais publié une ligne, et pourtant, sa conférence de presse obtient une audience digne du pape.

Seule mince consolation: quelques journaux de poids, comme le Los Angeles Times et le New York Times, ont eu le réflexe de ne pas faire "monter" cette histoire jusqu'à leur première page.


L'image de la science en prend un coup

D'ordinaire plus silencieux, les scientifiques ont pour une fois réagi: l'Association américaine pour l'avancement des sciences (AAAS) a émis un communiqué le 2 janvier, où elle enjoint les citoyens à demeurer sceptiques. "La couverture médiatique a connu deux phases: une première, que je qualifierais d'hystérique", écrit Alan Leshner, président de l'AAAS. Et une seconde, où on a enfin pu prendre un peu de recul.

A terme, certains s'inquiètent de l'impact que cette histoire aura sur l'image que le public se fait de la science. Que des hurluberlus qui se disent scientifiques puissent aller de l'avant avec un pareil projet, en dépit des risques insensés qu'ils font courir à la santé de l'enfant, n'est en effet pas de nature à rassurer qui que ce soit.

Car ce n'est pas juste une histoire amusante qui aura servi à meubler les journées creuses du congé des Fêtes. "Le message que reçoit le public, s'inquiète Arthur Caplan, c'est que la science n'a aucune règle." N'importe qui peut y faire n'importe quoi... pour autant qu'il ait de l'argent. Et quelle belle publicité pour une secte, qui peut de cette façon attirer encore plus de gens vulnérables... riches de préférence.

Pour le gynécologue français Israël Nisand, le clonage d'un être humain, qu'il se réalise maintenant ou dans 10 ans, c'est la "bêtise du siècle", et il propose que les gouvernements le rangent illico, avant qu'il ne soit trop tard, parmi les "crimes contre l'humanité".

Moins virulent, le généticien Alex Kahn n'en réclame pas moins la criminalisation du clonage humain. Pendant qu'il en est encore temps, puisque toutes ces annonces, celles des raéliens comme celles du Dr Severino Antinori (que les raéliens ont manifestement voulu prendre de vitesse, puisque "son" bébé est, lui, attendu pour janvier), aussi fantaisistes qu'elles soient, n'en ont pas moins une raison d'être: elles préparent le terrain. Le but est "d'inculquer à l'opinion publique le sentiment que le clonage est inéluctable" et qu'en conséquence, il ne sert désormais plus à rien de discuter de son interdiction.


Les hurluberlus du néant

Bien des choses auraient pu être pointées du doigt ces derniers jours. Par exemple, le fait que la compagnie Clonaid, bien que toute jeune, a déjà des histoires derrière elle. En 2001, elle a réussi à soutirer 200 000$ à un avocat américain, Mark Hunt, dont le fils de 10 mois était décédé d'une maladie cardiaque. Les sous devaient servir à cloner ce bébé. Le programme a été bloqué par l'Administration américaine des aliments et drogues (FDA), ce qui a permis d'apprendre que l'expert derrière cet espoir de clonage était... un étudiant. Sans aucune expérience en clonage animal.

Et puis, il y a cette autre réalité, qui a échappé à bien des journalistes. Si Clonaid faisait vraiment des expériences de clonage depuis quatre ou cinq ans, il devrait y avoir à son actif, à l'heure actuelle, des recherches publiées. Les raéliens invoqueront évidemment l'ostracisme dont seraient l'objet leurs malheureux chercheurs: mais la science ne fonctionne pas comme ça. Au contraire, en recherche scientifique, peu importe la nature de vos découvertes, peu importe qu'elles soient ou non controversées: si vous avez obtenu des résultats -même des résultats négatifs- vous réussirez toujours à les publier quelque part. Surtout à l'heure d'Internet.

L'absence totale de publications scientifiques -ne serait-ce que sur des expériences d'animaux clonés- est le meilleur indice du néant qui entoure cette soi-disant "Eve", de même que le deuxième bébé qui serait né sur un autre continent, de même que les trois autres bébés qui, prétend-on, seraient prévus pour février, de même que -cerise sur le gâteau- le refus des raéliens de procéder à des tests génétiques sur le bébé et sa mère. Le clonage, s'il se réalise, ne tombera pas du ciel... quoi qu'en disent les extra-terrestres.

 


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