Avant même que Raël
ne fasse à nouveau les manchettes,
la cause était déjà
entendue: les clones ont dominé
l'année scientifique 2002.
Encore plus de vaches et de cochons
clonés, les premiers lapins clonés,
le premier chat domestique cloné,
ainsi que des cellules humaines au fond
d'une éprouvette
Se sont
ajoutés à cela cette année
les politiciens de quelques dizaines
de pays qui débattent de la légitimité
d'autoriser le clonage de cellules à
des fins médicales; encore
plus d'études inquiétantes
sur des fausses couches, des décès
prématurés et un nombre
anormalement élevé de
malformations chez les clones de
bovins et de lapins. Et pour couronner
le tout, des
rumeurs selon lesquelles les premiers
clones humains seraient "en route".
Ou nés.
Ces rumeurs sont peut-être
fantaisistes, mais elles n'en sont pas
moins inquiétantes: à
travers le monde, des gens sont bel
et bien désireux de cloner des
humains. Et que cela plaise ou non,
tôt ou tard, ils vont réussir.
Ce jour-là, l'histoire retiendra
sans doute qu'en 2002, toutes les briques
qui manquaient à l'édifice
s'étaient mises en place: la
technologie avait progressé à
la vitesse Grand V, le taux d'échec
avait diminué, et l'avalanche
de subventions qui avait déferlé
sur de multiples laboratoires après
la naissance de Dolly, en 1996, commençait
à porter fruit.
Du clonage aux manipulations
génétiques, il n'y a qu'un
pas, mais à cet égard,
l'année 2002 aura davantage été
politique que scientifique: la
Chine qui se lance à plein régime
dans la production d'OGM, et l'Europe
qui, en fin d'année, se prépare
à lever un moratoire vieux de
quatre ans. Aux quatre coins du monde,
des
tentatives de générer
des débats publics sur les risques
des OGM semblent avoir fort peu de poids,
face au rouleau compresseur de l'industrie
des biotechnologies. Les OGM sont là
pour rester.
Dans ce vaste champ en
friche qu'est la génétique,
quelques perles. Le génome de
la souris qui, une fois décodé,
révèle
que nous partageons avec elle 97,5%
de nos gènes. Le génome
de la malaria, lui aussi décodé,
qui donne quelque espoir à la
lutte contre cette maladie.
Mais ce dernier génome
ramène
vite la politique sur le tapis:
bien que la malaria tue davantage que
le sida (une personne toutes les 30
secondes!) elle est très loin
dans l'ordre des priorités, en
partie parce qu'elle ne frappe que dans
des pays lointains et pauvres.
Ce qui conduit à
une autre question où la politique
l'emporte sur la science: ces pays ont
continué de faire face, en 2002,
à des citoyens qui tombent comme
des mouches: malaria, sida, tuberculose...
Dans bien des cas, les médicaments
existent, mais sont hors de prix pour
ces populations, et les compagnies pharmaceutiques
luttent
jalousement contre les tentatives pour
en créer des copies moins coûteuses.
Résultat: 500 000 personnes ont
accès aux traitements anti-sida
dans les pays riches
et
seulement 30 000 en Afrique. La
Chine, avec son immense poids démographique,
sera-t-elle la première nation
à faire trembler les compagnies
pharmaceutiques? Devant la menace du
sida qui pèse sur elle, c'est
une possibilité qui est devenue
très réelle en 2002.
L'embarras de l'année
Depuis toujours, les scientifiques
ont une auréole au-dessus de
leurs têtes. Certains citoyens
les considèrent spontanément
"plus intelligents", et alors que l'opinion
favorable à l'égard des
journalistes ou des politiciens décline
depuis 30 ans, l'image du scientifique,
elle, demeure à peu près
intacte.
Mais c'est peut-être
en train de changer. Ces dernières
années, les nombreuses controverses
-OGM, vache folle, clonage, etc.- ont
semé de plus en plus de doutes.
Et une réalité dont le
grand public n'a pas encore pris conscience
gruge de plus en plus la recherche "pure":
la commercialisation. La pression des
commanditaires et l'esprit de compétition
en conduisent certains à tourner
les coins ronds, comme cette vedette
des nanotechnologies, l'Américain
Jan Schön, dont
il fut démontré en septembre
qu'il avait, littéralement, gonflé
ses résultats aux stéroïdes.
À mesure que ce type d'histoire
-et il y en aura sûrement d'autres
en 2003- fera son chemin dans les grands
médias, l'image du scientifique
en sera de plus en plus écorchée
La plus infiniment
petite découverte
Vous vous souvenez des
neutrinos? Des particules invisibles,
inodores, quasi-indétectables
bien qu'il en passe, au-travers de votre
corps, des milliards par seconde! Depuis
longtemps, les physiciens jonglent avec
le concept. Et puis, en 1998, on a finalement
pu en saisir quelques-uns au passage,
et se rendre compte qu'ils pèsent
bel et bien quelque chose. Presque rien,
mais des milliards à la seconde,
ça finit par faire pencher la
balance de l'univers dans l'autre sens.
En avril 2002, les chercheurs de l'Observatoire
des neutrinos de Sudbury (Ontario) ont
confirmé l'existence de cette
masse, avec une précision de
l'ordre de 99,9%. Ce qui permet
à ces scientifiques de réécrire
rien de moins que le "modèle
standard": derrière cette expression
de physiciens, se cachent les interactions
de toutes les particules de notre Univers.
L'omniprésent
de l'année: le réchauffement
Des oiseaux migrateurs
qui arrivent plus tôt que prévu
et repartent plus tard, un
hiver qui a battu tous les records
de chaleur depuis 1860, des
glaciers et des calottes
polaires qui fondent
au point
de faire la
joie des archéologues, qui
y découvrent des artefacts cachés
depuis des millénaires !
Il est devenu banal de
parler de réchauffement global,
mais année après année,
les preuves s'accumulent
ce qui
n'a pas empêché le Sommet
de Johannesburg, sur le réchauffement,
d'être un
bide, les intérêts partisans
l'ayant emporté sur l'avenir
de la planète.
Et le reste
Hubble et ses images spectaculaires
des régions éloignées
de l'Univers; la sonde Mars Odyssey
et ses questions sur l'eau martienne;
le rôle de l'ARN dans les tout
premiers pas de la vie; une équipe
franco-suisse qui
produit 50 000 atomes d'anti-matière;
le tyrannosaure qui, au contraire de
ce que prétendent les films de
science-fiction, ne
pouvait pas courir vite; la peur
de la variole et de l'anthrax, qui a
donné de l'emploi à plusieurs
épidémiologistes et autres
microbiologistes; de vastes territoires
forestiers en rapide déclin,
et pas seulement en Amazonie; les grenouilles
qui changent de sexe à cause
d'un pesticide; des
coraux eux aussi en déclin,
aux quatre coins du monde; ce sont quelques-unes
des recherches qui ont surgi dans l'actualité
au fil de l'année, et qui auront
des répercussions en 2003, 2004,
2005... Au contraire de bien d'autres
événements d'actualité
qui, eux, sont à peine surgis
qu'ils sont déjà oubliés...