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Le 10 juin 2004


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Entrevue avec Alain Trautmann, Sauvons la recherche
Quand un scientifique se mêle de politique

(Agence Science-Presse) - En France, un tremblement de terre a secoué le monde scientifique cet hiver: les chercheurs sont descendus dans la rue. Eux qu'on accuse généralement d'être enfermés dans leur tour d'ivoire ont non seulement réussi à faire plier le gouvernement (Lire Les chercheurs à la rue -3), mais à se gagner l'appui du public. Le début d'un temps nouveau?

"L'image des chercheurs, vus par le public comme des vieux à lunettes, c'est fini", affirme le Dr Alain Trautmann, qui fut le chef de file de ce mouvement, baptisé Sauvons la recherche. Mais l'impact sur les chercheurs eux-mêmes sera peut-être encore plus déterminant: "l'image des chercheurs, vus par eux-mêmes comme des gens impuissants, ça, c'est fini."

Rien ne prédisposait pourtant Alain Trautmann à s'écarter du cliché: avec ses lunettes, ses 55 ans, son crâne dégarni et son allure réservée, il ne lui manque que le sarrau blanc pour correspondre à l'image populaire du scientifique. Depuis 25 ans, sa vie est consacrée non au syndicalisme ou à la politique, mais à l'univers invisible à l'œil nu des cellules de notre corps et des signaux qui, échangés entre elles, expliquent qu'une maladie se développe ou non. Trautmann est immunologiste à l'Institut Cochin de Paris.


Les chercheurs à la rue

La marmite bouillonnait depuis quelques années: en France comme au Québec, les gouvernements sont plus prompts à couper dans les budgets de la recherche que dans la santé ou l'éducation. La science est un sujet négligé par les médias, de sorte que ces coupes passent inaperçues. De plus, les scientifiques sont nombreux à reconnaître qu'ils n'ont pas ce réflexe de communiquer au-delà de leurs cercles fermés –un réflexe qu'ont acquis depuis longtemps les syndicats ouvriers, les enseignants ou les artistes.

À en croire Alain Trautmann, ce n'est donc qu'un concours de circonstances qui a conduit Sauvons la recherche à obtenir pareil succès cet hiver: une pétition dénonçant les coupes budgétaires fut affichée sur Internet le 7 janvier; elle fit parler d'elle à la Une du Monde le surlendemain, "parce qu'il n'y avait rien dans l'actualité ce jour-là". Quelques dizaines de chercheurs y menaçaient de démissionner de leurs laboratoires si, avant le 9 mars, le gouvernement ne revenait pas sur sa décision de supprimer 550 postes et s'il ne mettait pas fin à "l'asphyxie de la recherche".

De quelques dizaines, le nombre de signatures passa en quelques jours à quelques milliers, entraîna une marche de solidarité le 29 janvier, des activités de vulgarisation scientifique spontanées dans plusieurs villes de France, des éditoriaux favorables dans la presse française et étrangère… et un appui inattendu du public. "Chaque fois que le gouvernement disait mais non, tout va bien, le nombre de signatures grimpait en flèche et le public nous était encore plus favorable."

En tout, plus de 75 000 chercheurs ont signé la pétition; le 9 mars, 2000 des 3500 responsables de laboratoire présentaient leur démission; le 7 avril, le premier ministre Jean-Pierre Raffarin cédait: les 550 postes ne seront pas abolis, et des Etats scientifiques régionaux, à compter de cet été, devront trouver des solutions aux coupes budgétaires.

La victoire a surpris les meneurs eux-mêmes: "oui, les chercheurs sont souvent déconnectés" des débats sociaux, admet Alain Trautmann, dont les propres engagements politiques remontent à l'époque où, étudiant, il militait pour le Parti communiste. Il y a "peut-être une certaine inconscience" chez ces professionnels à qui l'on n'a jamais appris, à l'université, à communiquer, vulgariser, à jeter des ponts entre leur laboratoire et la société.

N'y a-t-il pas un risque que cette levée de boucliers n'ait été qu'un feu de paille? Les États généraux, rétorque-t-il, vont obliger certains de ses collègues à intervenir, pondre des mémoires, se réunir pour accoucher de revendications concrètes. "Ca met dans le circuit des gens qui n'étaient absolument pas mobilisés avant… Beaucoup de mes collègues ont désormais appris qu'ils ont le droit d'intervenir."

Et qu'en est-il au Québec? Le mouvement Sauvons la recherche est-il exportable? Non, répond aussitôt celui qui était pourtant invité, dans le cadre du récent congrès de l'ACFAS, à l'assemblée fondatrice de l'Association des chercheurs professionnels du Québec (ACPQ). Tout ce qui s'est bousculé entre janvier et avril était trop imbriqué dans le contexte politique français. "Mais il y a un concept qui, lui, est exportable: pour intervenir auprès d'un gouvernement, il n'est pas nécessaire d'avoir de l'argent ou des moyens de pression." Il faut avoir quelque chose à dire.

Or, les scientifiques ont certainement quelque chose à dire, considérant le poids de plus en plus important de la science dans notre société (OGM, réchauffement, clonage, etc.). Et considérant que cette science voit ses orientations de plus en plus tracées, non dans les universités mais dans les compagnies en quête d'un profit rapide. L'orientation commerciale de la recherche est d'ailleurs une des principales motivations derrière la fondation de l'ACPQ et de Sauvons la recherche: des deux côtés de l'Atlantique, on s'alarme que le citoyen ait de moins en moins son mot à dire dans ce qui sera la science de demain.

"Le contrepoids nécessaire, avance Alain Trautmann, c'est une culture scientifique partagée par le public." Or, si les scientifiques restent enfermés dans leur tour d'ivoire, l'échange d'information entre eux et le public sera pour le moins difficile...

Pascal Lapointe

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