
Le 20 avril 2004

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La vérité si je mens
(Agence Science-Presse) - Le détecteur
de mensonges, ou polygraphe, ne sera bientôt plus
seul dans la panoplie policière. Plusieurs chercheurs,
à travers le monde, progressent à grands pas
vers des technologies que l'on prétend capables d'analyser
les traits du visage, l'activité cérébrale
ou le son de la voix. Bienvenue dans le monde merveilleux
de Big Brother.
C'est que la performance du célèbre
polygraphe, inventé en 1915, s'est avérée
très inégale. On sait qu'il mesure des altérations
de la respiration, du pouls et de la pression sanguine.
Or, les scientifiques, tout comme les juristes, s'entendent
aujourd'hui pour dire que le stress peut provoquer ces altérations;
et le fait qu'une personne soit stressée ne veut
pas dire qu'elle est en train de mentir.
Le neurologue américain Lawrence Farwell
préfère pour sa part ses propres analyses
(ou scan) du cerveau. C'est même l'une des
percées les plus prometteuses, selon un reportage
de la revue Nature (résumé
seulement, nécessite une inscription gratuite).
Depuis quatre ans, Farwell s'est développé
une spécialité: analyser l'activité
cérébrale de gens dont la sincérité
est mise en doute. Ses clients vont de la police aux émissions
d'affaires publiques de la télévision.
Mais les critiques allèguent que la
technique est loin d'avoir été scientifiquement
mise à l'épreuve et en bout de ligne, des
facteurs qui n'ont rien à voir avec le mensonge peuvent
biaiser les résultats. Tout comme le polygraphe,
une activité cérébrale anormale peut
en effet être causée par le stress, et non
par le fait de cacher une information.
Si c'est là la percée technologique
la plus prometteuse, il y a lieu de s'inquiéter pour
les autres. L'analyse des mouvements des yeux, par exemple,
est une des pistes que finance le ministère américain
de la Défense. Selon la théorie courante,
les yeux passeraient moins de temps (on parle ici de millièmes
de seconde) sur un objet familier que sur un objet inconnu:
en conséquence, affirment les promoteurs, montrez
à un suspect de meurtre des photos de la scène
du crime, et vous saurez à quoi vous en tenir.
Ou bien, analysez sa pression sanguine, ont
proposé il y a deux ans d'autres chercheurs du ministère
de la Défense et de la compagnie Honeywell de Minneapolis:
une étude préliminaire portant sur vingt "cobayes"
avait abouti à des résultats positifs à
75%. Depuis, un prototype a été mis au point,
et devrait connaître son baptême du feu, "probablement
dans une ambassade".
Tout cela est trop beau pour être vrai,
répliquent les critiques. Pour le statisticien Stephen
Fienberg de l'Université Carnegie Mellon (Pittsburgh),
la hantise de la sécurité, particulièrement
aux Etats-Unis depuis deux ans et demi, force ces chercheurs
et ceux qui les financent, à vouloir sauter trop
vite du laboratoire au monde réel. Avec tous les
risques de dérapage que cela implique (innocents
faussement accusés, climat de méfiance généré
par des erreurs, etc.).
Au cours des prochaines années, conclut
Nature, de nouvelles technologies en viendront sûrement
à faire leur chemin jusqu'aux tribunaux. Mais quant
à savoir si la justice y aura gagné, cela
dépendra de la qualité des recherches qui
auront été menées. Sans quoi il conviendra
de se demander: qui est celui qui essaie de tromper l'autre?
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