
Les profondeurs des océans ont toujours
été le royaume des créatures les plus
étranges et les plus inquiétantes. Royaume
de la mort, royaume des ténèbres, royaume
de la terreur: toutes les civilisations y ont entreposé
leurs craintes et leurs insécurités. Car si
une terreur venue du ciel peut au moins s'annoncer, une
menace venue du fond des mers peut surgir à la nuit
tombée, engloutir un navire, voire un village, et
repartir sans laisser de traces.
Qui plus est, les marins et les explorateurs
ont ramené suffisamment de restes de créatures
jusque-là inconnues pour donner crédit aux
légendes les plus folles. Comme ces poulpes géants,
dûment authentifiés, dont les plus grands mesurent
18 mètres, et qui vivent heureusement!
à 3000 mètres de profondeur.
Ces étranges créatures gélatineuses,
appelées blobs, sont-elles des poulpes? La
dernière en date s'était échouée
sur une plage du sud du Chili en juin 2003. Une autre (sur
la photo ci-haut) avait été retrouvée
à Fortune Bay, Terre-Neuve, en 2001, et identifiée,
elle, comme une (probable) baleine. En 1972, un "monstre
de Floride", ou ce qui en restait, avait même été
associé à une créature extra-terrestre.
Aussi loin qu'en 1896, un autre "monstre de Floride" avait
été le premier d'une longue liste de "poulpes
géants", avant qu'un spécialiste des cétacés
n'affirme qu'il ne s'agissait en fait que de lard de baleine.
Chaque
fois en effet, les experts ont été confondus.
Les uns prétendaient qu'il s'agissait d'une baleine
en état avancé de décomposition la
taille correspond mais les autres, restes du squelette
à l'appui, affirmaient qu'il s'agissait d'un invertébré
(pieuvre ou poulpe) et non d'un cétacé. Et
les autres encore y voyaient une espèce carrément
inconnue: retour au monstre des abysses.
"Nous n'avons jamais vu jusqu'à présent
un spécimen aussi étrange, nous ignorons s'il
pourrait s'agir d'un poulpe géant auquel il manquerait
certains membres, ou s'il s'agit d'une nouvelle espèce"
avait déclaré l'an dernier, au Chili, Elsa
Cabrera, directrice du Centre de protection des cétacés
à Santiago.
Il n'en fallait pas plus pour que les cryptozoologistes
s'en donnent à cur joie. En fait, pour eux
qui s'en donnent déjà à cur joie
à propos de monstres virtuels comme celui du Loch
Ness, des découvertes tangibles quoique plutôt
molles valent leur pesant d'or. La créature
du Chili avait même un nom, chez ceux qui ne voulaient
pas croire à l'hypothèse de la baleine: Octopus
giganteus. Un poulpe super-géant, plus géant
encore que les poulpes géants, et bien entendu inconnu
de la science "officielle".
Il était temps que la génétique
entre en scène. Six biologistes réunis à
l'Université de la Floride du Sud ont retrouvé
suffisamment de fragments d'ADN dans cette masse gélatineuse
grande comme un autobus, pour le comparer avec quatre autres
fragments tout aussi gélatineux recueillis au fil
des décennies (dont en Floride et aux Bermudes).
Le verdict est tombé plus tôt cet été.
Les blobs appartiennent bel et bien à une même
famille: celle des baleines. De banales baleines.
"A notre grande déception, écrivent-ils
dans le Biological Bulletin, nous n'avons trouvé
aucune preuve que ces blobs ne soient les restes de poulpes
géants, ou des monstres marins d'une espèce
inconnue."
Richard Ellis, auteur de Monsters of the
Sea (1994), a concédé sa défaite.
La démonstration par ADN est dévastatrice.
C'est la mort des "blobologistes"... mais, poursuit-il aussitôt,
"il y a d'autres possibilités, dans les noires étendues
de la mer".
(source: New York Times)