
Le 19 février
2005

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La télé nuit au civisme
WASHINGTON (Agence Science-Presse) - D'ordinaire,
face à deux personnes qui affichent publiquement
leurs désaccords, le citoyen moyen préfère
prendre ses distances. Avec la télé, impossible:
la caméra lui renvoie en gros plan les moindres expressions
des visages. Et le malaise que cela crée peut aller
jusqu'à diminuer notre intérêt pour
la politique.
"Beaucoup de recherches en psycho-sociologie
ont démontré que les gens réagissent
très vivement au fait d'être en proximité.
On est mal à l'aise devant quelqu'un qui affiche
un profond désaccord. On l'est encore plus si on
est collé sur lui", a déclaré Diana
Mutz vendredi, dans le cadre du congrès de l'Association
américaine pour l'avancement des sciences, qui se
poursuit en fin de semaine à Washington.
La professeure de science politique et de
communication à l'Université de Pennsylvanie
participait à un atelier intitulé L'esprit,
le cerveau et la nouvelle science de la politique, où
les organisateurs essayaient de jeter un pont entre deux
problématiques a priori très éloignées:
le désir d'améliorer la participation du citoyen
à la politique, et la science qui étudie le
cerveau. L'idée à l'origine de cet amalgame,
c'est qu'en améliorant notre connaissance des mécanismes
chimiques et électriques à l'uvre dans
notre boîte crânienne, on pourrait en théorie
tirer sur les bonnes ficelles pour que l'individu blasé
reprenne goût à s'impliquer, participer, contribuer
à la vie de la Cité bref, à la
politique.
Gros mandat. Car comme l'a souligné
d'entrée de jeu Arthur Lupia, de l'Université
du Michigan, c'est bien beau de vouloir améliorer
la compétence civique, mais qui va s'en charger?
Qui va décider de ce qui est une connaissance indispensable?
Et surtout, puisqu'on parle de cerveau et d'apprentissage,
omment garantir que ce qui sera "enregistré" par
une personne le sera aussi par l'autre?
La perspective de parfaitement bien comprendre
comment fonctionne notre cerveau reste encore extrêmement
lointaine: l'expérience, raconte Lupia, a démontré
d'innombrables fois que "ce dont une audience va se rappeler
n'est pas nécessairement ce qu'on voudrait qu'elle
se rappelle".
Mais dans le cas des débats télévisés,
le problème devient encore plus complexe. Car non
seulement n'améliore-t-on pas la compétence
civique, mais on éloigne encore plus le citoyen de
la politique, à en croire Diana Mutz. Les producteurs
télé répliqueront à cela que
les téléspectateurs adorent ce type de confrontation,
comme le démontrent les cotes d'écoute. Or,
c'est faux, dit-elle, personne n'aime la confrontation:
il se trouve simplement que ces gens s'arrêtent pour
écouter, en vertu d'une curiosité toute naturelle
qui a été piquée, tout comme ils s'arrêteraient
au bord d'une autoroute pour observer un accident. Mais
ces téléspectateurs-citoyens n'ont rien appris
(les expériences démontrent qu'ils ne retiennent
pas les arguments de la partie adverse). Et ils n'ont certainement
pas pris goût à la politique.
Pascal Lapointe
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