
Le 24 février
2005

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Savoir ce qu'un primate se met sous la dent
WASHINGTON (Agence Science-Presse) - En matière
dalimentation, les grands singes, tels que les chimpanzés
et les gorilles, ont leurs préférences. Mais
les grands singes sont aussi des omnivores et des opportunistes.
Les pré-humains létaient également.
Et quand il faut rendre compte des habitudes alimentaires
des uns et des autres, les homo sapiens universitaires ne
lèvent le nez sur aucune méthode denquête.
Opportunisme, là encore. Ou débrouillardise.
Quand Craig B. Stanford, de lUniversité
de la Californie du Sud, et J. Bosco Nkurunungi, de lUniversité
Makerere, en Ouganda, ont fouillé durant plus dun
an les matières fécales de grands singes,
ils ont trouvé une grande variété daliments
ingérés par ces individus. Depuis plusieurs
décennies, les primatologues se contentaient de noter
que le chimpanzé est un mangeur de fruits alors que
le gorille est plutôt un mangeur de feuilles. Or,
leur caca révèle que le gorille se nourrit
aussi de fruits, selon labondance saisonnière
de certains végétaux, notamment lomufé,
ou se rabat sur des feuilles aussi bien que sur des écorces,
voire sur du bois pourri. De façon générale,
le gorille a une alimentation riche en fibres. Ces résultats
ont été présentés dans le cadre
du congrès de lAssociation américaine
pour l'avancement des sciences, à Washington la semaine
dernière.
Quant au chimpanzé, les zoologues continuent
dobserver quil ne boude pas, à loccasion,
des abeilles ou de la viande dantilope, bien quil
semble préférer parcourir de longues distances
dans la forêt pour trouver des figues et dautres
de ses fruits favoris. En dépit dune tolérance
au cholestérol moins grande que nous, les grands
singes ont un régime alimentaire qui leur permet
de sadapter à une certaine variété
dhabitats, les gorilles saccommodant même
daltitudes où le couvert forestier est moins
abondant.
Faute de pouvoir analyser le résidu
de la digestion de primates aujourdhui disparus, comme
l'australopithèque, on peut en examiner la dentition.
Déjà, lobservation des espèces
vivantes de primates révélait des différences
dans la longueur des molaires, selon que lanimal mange
des insectes et des feuilles, ou des noix et des graines.
Aujourd'hui armé de logiciels permettant de dresser
la carte 3-D de la surface des dents, le paléontologue
Peter S. Ungar, de lUniversité dArkansas,
a trouvé, jusque sur les dents très usées
de fossiles, des stries et de petits cratères qui
sont autant dindices du menu des diverses espèces.
Quant à Peter Lucas, de lUniversité
George Washington, il s'est demandé pourquoi nous
avons si souvent des dents trop nombreuses, trop serrées,
désalignées, ou cariées. Cest
selon lui une affaire dévolution. En inventant
des outils permettant de découper en ce quils
ingurgitaient, puis en amollissant les aliments par la cuisson,
des primates dotés de mâchoires très
courtes ont été nombreux à pouvoir
manger de tout et à survivre. Nous sommes leurs descendants.
Mais ces trouvailles sont trop récentes
pour que les gènes dune dentition adéquate
dominent dans lespèce humaine. Il a donc fallu
une autre invention : le métier de dentiste.
Pierre Croteau
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