
Le 24 novembre 2005

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Grippe aviaire: du danger de crier au loup
(Agence Science-Presse) - Curieux paradoxe.
Au moment où les gouvernements de la planète
commencent enfin à prendre au sérieux la menace
de grippe aviaire, un nombre croissant de scientifiques
commence à dire qu'on vise peut-être la mauvaise
menace.
Les spécialistes en épidémie
ont certes toujours prévenu qu'une épidémie
est quelque chose d'incroyablement difficile à prévoir,
parce que des virus se sur-multiplient en une série
de familles et de sous-familles, les unes virulentes, les
autres non. Mais les voix des plus prudents de ces spécialistes
ont longtemps été noyées dans la masse
des inquiets. A présent, après des mois de
grippe aviaire dans l'actualité, leurs voix commencent
tout juste à se faire entendre.
Tout le monde est d'accord pour dire qu'une
pandémie de grippe est inévitable. Et que
des préparatifs pour en limiter au maximum les effets
sont souhaitables. Mais la question-clef demeure: est-ce
vraiment le H5N1 qui causera une pandémie? Et si
tel est le cas, provoquera-t-il des décès
en masse, comme sa cousine la grippe espagnole de 1918,
ou juste un soubresaut dans le taux de mortalité
annuel de la grippe?
Dilemme social: si le H5N1 ne provoque rien
de grave dans les prochaines années, l'opinion publique
et les politiciens ne risquent-ils pas de se rebiffer devant
ces scientifiques qui ont si fort crié au loup? Si
tel était le cas, ce ne serait pas vraiment l'attitude
propice à une préparation... contre une future
pandémie de grippe.
Intervenant dans les pages de la très
sérieuse revue Science,
le virologue new-yorkais Peter Palese emploie le mot "hystérie"
à propos du H5N1. Bien sûr, la possibilité
existe. "Mais je ne crois pas que ce soit aussi certain
que ce dont certains de mes collègues donnent l'impression."
Son principal argument: après deux ans et des milliers
d'oiseaux contaminés, cette famille du virus s'est
révélée extrêmement difficile
à transmettre entre humains: dans tous les cas connus,
l'humain l'a attrapé d'une volaille, et non d'un
autre humain.
"Le virus n'est clairement pas contagieux
parmi les mammifères, et je ne crois pas qu'il puisse
le devenir", renchérit Paul Offit, immunologue
et virologue à l'Hôpital pour enfants de Philadelphie.
Ce dernier s'est même livré à une analyse
historique: parmi toutes les souches de grippe ayant causé
une pandémie chez les humains, y compris la grippe
espagnole, aucune n'était de la famille H5. Des infections
d'humains à humains provenant de virus de souche
H5 ont certes été observées, mais aucune
qui n'ait dégénéré en une catastrophe.
L'argument historique est toutefois dangereux
réplique, toujours dans Science, le virologue
japonais Yoshihiro Kawaoka: nous ignorons quels virus ont
circulé entre humains pendant des centaines de milliers
d'années... sauf pour le dernier siècle.
Si les sceptiques ont tort, on ne tardera
pas à le savoir. Mais s'ils ont raison, il pourrait
s'écouter bien du temps encore avant qu'on en soit
sûr...
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