
Le 16 février
2006

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La science derrière... les
Olympiques
Les secrets d'un flocon artificiel
(Agence Science-Presse) - Ah, la neige ! Quand
elle manque à lappel, on en fabrique. Cette
pratique est devenue essentielle pour la survie économique
des stations de ski. Mais ces charmants petits flocons artificiels
demandent du matériel imposant et ne sont pas toujours
appréciés des défenseurs de l'environnement.
La fabrication de la neige semble pourtant
simple, mais la lourde technologie, associée aux
conditions climatiques, font de ce procédé
une science tout autant quun art. On doit dabord
apporter leau au sommet de la montagne. Pour que leau
ne gèle pas dans les tuyaux, celle-ci est en circulation
permanente, des tuyaux ramenant leau du sommet vers
la station de pompage. Il faut de plus ajuster le débit
en fonction du thermomètre.
Pour la station Stoneham, près de Québec,
il sagit de 400 millions de litres deau annuellement
(1,7 milliard pour celle du Mont-Tremblant) pompés
à une cadence impressionnante. En comparaison, une
maison unifamiliale consomme environ 250 000 litres par
an.
La température et les conditions atmosphériques
sont dautres éléments à gérer.
Théoriquement, à -4° Celsius, on est
capable de faire de la neige si le temps est très
sec, mais 10 C peut ne pas être assez froid...
si le temps est humide! Se dessinent alors dans la montagne
des situations complexes, où le sommet est plus froid,
la face nord moins ensoleillée et le bas de la montagne
plus humide ! Chaque canon doit alors être ajusté
en fonction de sa position sur les pentes : ce qui
peut se faire tantôt "à la main"
un employé place la manche de son manteau devant
la bouche du canon; si les flocons fondent au contact du
tissu, il faut modifier la quantité deau ou
dair projeté tantôt par ordinateur.
Canons d'un autre type
Il existe deux types de canons à neige.
Le premier, appelé bi-fluide, nécessite un
apport en eau et en air comprimé. Il est souvent
planté au bout de grandes perches, ce qui lui a valu
le surnom de girafe. Le Mont Tremblant en possède
790, quil fait fonctionner en alternance, parce que
les pompes ne sont pas capables de les alimenter simultanément.
Le traitement de lair est, dans ce cas, primordial
et complexe : il doit être sec et froid quand
il arrive aux canons, alors que les compresseurs le réchauffent.
Un autre système est composé
dun compresseur et dun ventilateur intégrés
à même le canon: dans ce cas-ci, seule leau
est pompée vers la montagne. Cet appareil, qui ressemble
à une turbine d'avion et coûte la bagatelle
de 40 000$, est tellement gros quil doit être
déplacé par les dameuses.
Chacune des technologies a ses avantages et
ses inconvénients, mais elles ont en commun dêtre
très chères. Pour une petite station comme
Stoneham, cela signifie 100 000 $ délectricité
par année...
Une neige scientifique
On sen doute, les canons ne sont pas
de simples jets deau. Les ingénieurs ont trimé
dur pour trouver la meilleure pulvérisation, celle
qui demande un dosage et une orientation très précis
des jets dair et deau. On a alors une fragmentation
des gouttelettes en particules fines, ce qui favorise la
cristallisation. La grosseur des particules est variable,
entre 0,3 et 1,2 millimètre, ce qui donnera différentes
variétés et qualités de neige.
La production de la neige fait aussi appel
aux dernières avancées de la science. Les
biotechnologies, par exemple, offrent depuis plusieurs années
un additif qui facilite la cristallisation. Il sagit
de protéines extraites dune bactérie
commune dans notre environnement, Pseudomonas syringae.
Le mélange se fait directement à la station
de pompage et permet une cristallisation à des températures
plus chaudes. Ces extraits de bactéries nauraient
pas dimpacts pathogènes, ni environnementaux,
assure la compagnie York, qui commercialise le produit.
Lenvironnement
Des populations locales sinquiètent
des dégâts possibles causés par toute
cette activité. Le problème le plus criant
semble être les ponctions deau dans les rivières.
Certaines stations, en pompant leurs millions
de litres deau, assèchent littéralement
les rivières, causant la mort des larves (nourriture
des poissons et les oiseaux), des poissons et des amphibiens.
Cest dautant plus problématique que lhiver
est une saison où les cours deau sont très
bas.
LAgence des ressources naturelles du
Vermont a légiféré, au cours des dernières
années, pour établir un niveau deau
minimal dans les rivières, obligeant les stations
à construire des réservoirs.
Autres problèmes notés :
le bruit fait par les canons (60-80 décibels), lérosion
due à lénorme quantité deau
des fontes, la dégradation des habitats aquatiques...
Au Québec, le problème semble
être inconnu, même si 90 % des stations pratiquent
lenneigement. Par contre, ajoutait en 2002 André
Bouthiller de Eau-Secours, on sattendait à
avoir quelques problèmes dans la région de
Ste-Agathe, dans les Laurentides, parce que la station de
ski est jumelée à un énorme développement
domiciliaire, ce qui risque de créer une carence
dans lapprovisionnement en eau.
Alors, à la prochaine bordée,
pensez aux gens du Sud des États-Unis qui louent
des canons pour enneiger... leurs pelouses!
Une première version
de ce texte
est parue en 2002 dans Hebdo-Science,
publication réservée aux abonnés de
l'Agence Science-Presse
François d'Allaire
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