De plus en plus de sportifs souffrent de ce
que l'on nomme, sans bien le connaître, le Syndrome
de la contre-performance inexpliquée. "C'est
très difficile à diagnostiquer. Il n'existe
pas un facteur permettant de le dépister sans se
tromper. Et lorsqu'on a recours aux marqueurs biologiques,
tel le taux de fer, c'est souvent trop tard", avance Laurent
Bosquet, professeur au Département de kinésiologie
de l'Université de Montréal.
Combien de sportifs de haut niveau souffrent
de ce syndrome, plus couramment appelé surentraînement
? La revue Nature, qui y consacrait un article en
2004, avançait le chiffre d'un athlète sur
dix. Certaines données statistiques australiennes
avancent 20%, soit un athlète sur cinq !
Le surentraînement n'apparaît pas sur
la liste des maladies connues. L'athlète ne
consulte pas. Sauf en cas de fatigue persistante,
c'est-à-dire lorsqu'il a du mal à monter
les escaliers, développe des troubles du sommeil,
perd l'appétit ou souffre d'un état
dépressif. Il va alors voir son médecin
qui lui recommande de prendre du repos. "C'est souvent
trop tard", sanctionne le spécialiste.
Un entraînement de trop ?
Les Jeux Olympiques apportent leurs
promesses de nouveaux records à battre. La
plupart des athlètes vivent un stage d'entraînement
extrêmement chargé, un mois à
un mois et demi avant les compétitions. "Cela
pour obtenir un pic de forme avant les Jeux", précise
Laurent Bosquet.
L'objectif de cet entraînement
est plus précisément de déstabiliser
l'organisme: il faut induire des perturbations qui
vont l'obliger à s'adapter. C'est pourquoi
les stages en altitude sont très prisés.
On cherche de plus à varier l'entraînement
afin de surprendre plus souvent l'organisme. Laurent
Bosquet relate que certains entraîneurs, prêts
à tout pour surprendre leurs athlètes,
les réveillaient avec de fausses mauvaises
nouvelles !
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À
consulter :
Le
site du Département
de kinésiologie de l'université de Montréal
Le
magazine belge Sport
et Vie, Consacre régulièrement
des articles au sujet (no 79 : Comment quantifier
la fatigue et éviter le surentraînement;
n° 60 : Les signes annonciateurs du surentraînement;
etc.)
L'étude
australienne: Hooper et coll., Hormonal responses
of elite swimmers to overtraining. Medicine Science
Sports Exercise, 1993 Jun;25(6):741-7)
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Une dizaine d'années d'entraînement
permet généralement d'atteindre une forme
optimale. "L'organisme possède une mémoire
et l'âge aide à maintenir la performance",
affirme le chercheur. Ainsi, Mark Allen, vainqueur pour
la 6e fois du triathlon "Ironman" à
37 ans ou le coureur Carl Lewis, qui décrocha une
médaille d'argent à 36 ans. Dans certaines
disciplines, telle la natation ou le vélo, il arrive
à des athlètes de 40-50 ans d'être très
performants. Mais en général, les jeunes athlètes
possèdent un meilleur taux de récupération,
concentrations hormonales (croissance, testostérone)
aidant.
Ceci dit, tous ne sont pas capables de récupérer
de la même manière. Le surentraînement
touche d'abord les sports à dominance énergétique
: triathlon, course, cyclisme, etc. Un coureur de fond sur
deux en connaîtrait un épisode au cours de
sa carrière. Les sports collectifs ne sont pas épargnés.
"Ces sportifs vivent beaucoup de stress. Ils connaissent
des saisons très chargées, de nombreux échanges
et on leur demande d'être constamment performants,
même blessés", explique Laurent Bosquet. Les
athlètes vivent alors une fatigue totale, physique
et psychologique.
Prévenir le surentraînement
Il existe deux courants de recherche : trouver
les origines de cette fatigue chronique permettrait de la
prévenir et découvrir les marqueurs biologiques
permettrait de la diagnostiquer. Ainsi, la revue Sports
Medicine rapportait en 2003 que Lucille Lakier Smith
de l'Université Tshwane de technologie à Pretoria
(Afrique du Sud), avait détecté des taux anormaux
d'une protéine, l'interleukine, chez les marathoniens.
À l'Université de Montréal,
les recherches portent sur la prévention. Il existe
deux états différents de fatigue, explique
Laurent Bosquet: le moment où la performance stagne
ou diminue, puis la fatigue prolongée. "Notre objectif
est d'identifier la première étape pour le
prévenir."
Pour ce faire, son équipe a principalement
recours à des outils psychologiques. Il s'agit de
questionnaires, non spécifiques au sport, permettant
de dresser le profil des états d'humeur. L'un d'eux
demande à celui qui le remplit de s'auto-évaluer
au moyen de 65 adjectifs (malheureux, las, perplexe, etc.).
Mais il faut aussi prévoir un suivi personnalisé
et à long terme. "On peut seulement comparer l'individu
à lui-même."
La technologie à la rescousse
Il y a trois ans, Laurent Bosquet a fait appel
aux ingénieurs de l'Institut technologique de Compiègne
(France). Ils ont conçu un logiciel qui permet à
l'entraîneur de suivre à distance la bonne
forme de ses sportifs. Ces derniers doivent remplir régulièrement
un questionnaire sur leur condition physique et psychologique
(fatigue, perturbation du sommeil, etc.). Si le seuil fixé
est dépassé, un message d'alarme est automatiquement
adressé à l'entraîneur... par courriel !
Le système semble donner de bons résultats.
Il faut toutefois prendre en compte la personnalité
du sportif, qui risque de résister au changement,
et adopter une démarche pédagogique. "Il faut
expliquer clairement l'objectif. Il ne s'agit pas pour l'entraîneur
d'écarter le sportif des compétitions mais
plutôt d'un outil de préparation physique de
l'athlète."
Étudier le système nerveux autonome
serait une autre piste pour comprendre les perturbations
de l'organisme. Pour l'instant, l'équipe montréalaise
se penche sur l'analyse spectrale de la fréquence
cardiaque. Ils ont conçu un "cardio-fréquencemètre"
qui se fixe au poignet et enregistre les variations sinusoïdales
cardiaques de l'athlète, au repos. Pascal Touron,
rameur professionnel de l'équipe de France, l'a testé.
Après trois semaines d'entraînements particulièrement
exigeants, son spectre cardiaque avait atteint un niveau
inquiétant. Dix jours de repos ont suffi pour qu'il
retrouve son niveau d'origine.
Outils technologiques, questionnaires psychologiques...
"Nous essayons d'intégrer tout cela dans une seule
démarche", dit Laurent Bosquet. Une démarche
de prévention qui poussera peut-être les athlètes
à moins perdre leur santé de vue.
Isabelle Burgun