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Heureusement, il n'y a pas que John Glenn...
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Téléportation, M. Scott!
Cette semaine, on ne parlera pas de John Glenn.
Parce qu'il se passe, même dans les hautes sphères de la physique
théorique, des choses bien plus fascinantes. Une expérience
réussie de téléportation, par exemple.
Les amateurs de science et de science-fiction ont vu passer la nouvelle
en octobre, mais il n'est pas inutile d'y revenir: parce qu'il n'est pas
sûr que les physiciens eux-mêmes l'aient bien comprise.
Ca s'appelle la téléportation, mais ça n'a rien
à voir avec Star Trek, prennent bien soin de prévenir les
chercheurs. Et pourtant, il est difficile aux rêveurs de croire que
ça n'est pas une étape de plus vers ces voyages instantanés,
au cours desquels le capitaine de l'USS Enterprise est "désintégré"
à son point de départ et, une fraction de seconde plus tard,
"reconstitué" à son point d'arrivée. Une
équipe de chercheurs des Etats-Unis, du Danemark et de Grande-Bretagne
a en effet annoncé
le 22 octobre avoir réussi à téléporter
une particule -en l'occurence, un "grain" de lumière, appelé
photon (Science
en offre un résumé; nécessite une inscription gratuite).
Pour les experts en physique quantique, ça n'est pas une surprise:
ce n'est que la troisième étape d'un voyage commencé
en 1993 par un article dans la très austère et très,
très sérieuse Physical Review Letters, co-signé
par six chercheurs, dont les Montréalais Gilles Brassard et Claude
Crépeau. Un article purement théorique, qui n'annonçait
aucune découverte, mais décrivait comment, en vertu des règles
bizarroïdes mais inattaquables de la physique quantique, il serait
possible de téléporter quelque chose. Enfin, pas tout à
fait quelque chose; même pas une particule, mais plutôt la "propriété"
d'une particule (par exemple, sa polarité).
Ca n'a l'air de rien, mais pour les scientifiques, c'était un
énorme pas en avant. Parce que jusque-là, la téléportation
à la Star Trek s'était heurtée à un mur, indestructible:
le principe d'incertitude -appelé aussi principe d'Heisenberg- qui
dit qu'il est impossible de connaître avec précision les propriétés
d'une particule -électron, proton, photon, etc. Par conséquent,
si on ne peut la connaître à 100%, impossible de la téléporter
-puisqu'il faudrait, après l'avoir détruite en un endroit,
réussir à la reconstituer en un autre.
Il y avait un truc, et c'est ce truc qui serait énoncé
dans cet article de 1993 (pour plus de détails, lire cette
synthèse).
Mais cela restait purement théorique. Encore fallait-il le démontrer.
La
deuxième étape allait survenir en décembre 1997,
quand des chercheurs de l'Université d'Innsbruck, en Autriche, allaient
passer du théorique au pratique, et réaliser en laboratoire
ce que le premier article annonçait: téléporter la
propriété d'une particule. La troisième étape,
annoncée le 22 octobre dernier, ce serait la particule elle-même.
Certes, on est loin de Star Trek, tellement loin qu'il n'est même
pas certain que la téléportation d'un être humain (ou
d'une bactérie!) soit quelque chose de vraisemblable: après
tout, le corps humain compte 1028 particules (le chiffre
1, suivi de 28 zéros!!!). Des petits malins se sont déjà
amusés à calculer ce qu'il en coûterait pour toutes
"désintégrer" ces particules à un endroit,
puis les réassembler (dans l'ordre!) en un autre: cela nécessiterait
une puissance égale à deux millions de bombes atomiques...
chaque fois!
Par ailleurs, la "téléportation quantique", version
1998, comporte une subtilité par rapport à la science-fiction:
la particule "téléportée" n'effectue pas
vraiment le voyage. Elle est purement et simplement détruite, et
c'est une copie conforme qui prend sa place au point d'arrivée.
Ce qui, mine de rien, pose tout de même de menus problèmes
existentiels: accepteriez-vous de vous faire remplacer par une copie? Et
si l'âme existe... Sera-t-elle convenablement copiée, elle
aussi?
Sans oublier la plus grave des interrogations, exprimée
par le physicien quantique Samuel Braunstein: "est-ce que la copie
aurait à payer les impôts que payerait déjà l'original
dans le cas où il serait encore là?"...
La page de Claude
Crépeau sur la téléportation
L'expérience
de téléportation (1997) de l'Université d'Innsbruck |