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Semaine du 6 octobre 1997


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Spoutnik, 40 ans plus tard

 


"La Terre est le berceau de l'humanité. Mais nous ne pouvons pas éternellement vivre dans notre berceau."

 

Cette phrase du physicien russe Konstantin Tsiolkovsky, décédé en 1935, résonnait sans doute aux oreilles de plusieurs, il y a exactement 40 ans, ce 4 octobre 1957, alors qu'un timide bip-bip signalait à une planète stupéfaite que des Soviétiques avaient réussi, pour la première fois de l'histoire, à envoyer un engin dans l'espace.

Il s'appelait Spoutnik I, il pesait 83 kg, et il avait l'allure d'un gros ballon rigide bardé d'antennes. Il se contentait de tourner autour de la Terre, sans rien faire d'autre que d'émettre ce signal. Mais il ouvrait à lui tout seul une nouvelle ère, qui allait bouleverser notre vision du monde et de sa place dans l'Univers.

Quelques Spoutnik, quelques cosmonautes comme Youri Gagarine, quelques photos de notre planète bleue et blanche sur un fond immensément noir, et ça y était: "cette conscience que la Terre est une, selon Ignacio Ramonet, du Monde diplomatique, et cette conviction toujours plus partagée que nous sommes tous dans le même minuscule vaisseau évoluant dans le cosmos... Vu de quelques centaines de kilomètres d'altitude en effet, notre globe apparaît à la fois d'une majestueuse beauté et d'une infinie fragilité."

Au premier Spoutnik ont succédé les satellites d'observation, qui ont révolutionné la météorologie, en offrant aux savants une vision de plus en plus globale des climats, des courants océaniques ou d'un El Nino; les satellites de communication, sans lesquels il n'y aurait ni téléphones cellulaires, ni CNN, ni Internet; les industries, du bras spatial canadien à la fusée Ariane française en passant par les infrastructures de télécommunications dans des pays tels que le Brésil, l'Indonésie ou l'Arabie Saoudite; sans oublier, bien sûr, l'industrie militaire.

On déplore souvent que l'essor de l'aventure spatiale, entre le Spoutnik de 1957 et les fusées Apollo des années 1968-1972, ait été déterminée par la rivalité entre deux superpuissances militaires. Mais on ne peut s'empêcher de noter que c'est aussi au cours de cette période que l'aventure spatiale a su le mieux stimuler le rêve et l'imagination -deux carburants indispensables à toute aventure.

"Apollo, écrivait l'astronome américain Carl Sagan en 1995, un an avant sa mort, n'était pas là principalement pour la science. Il n'était même pas là principalement pour l'espace. Il était là pour la confrontation idéologique et la guerre nucléaire... Mais malgré tout, de la bonne science fut faite. Nous en savons maintenant beaucoup plus sur la composition, l'âge et l'histoire de notre Lune. Plus important encore, Apollo a procuré un parapluie sous lequel des robots génialement conçus ont pu être construits et envoyés à travers le système solaire. Les rejetons d'Apollo ont aujourd'hui atteints les frontières planétaires."

On a peine à l'imaginer aujourd'hui, mais il y a seulement 40 ans, sur les neuf planètes du système solaire, une seule était vraiment connue: la nôtre. Les autres se résumaient, au mieux, à des astres aux couleurs vacillantes dans les télescopes, comme Mars, ou à des points à peine plus gros que les étoiles, comme Neptune.

Aujourd'hui, toutes ces planètes sauf une ont été survolées au moins une fois. On a pu voir des tempêtes de sable semblables aux nôtres sur Mars et des ouragans semblables aux nôtres sur Jupiter; des anneaux autour d'Uranus et de Neptune; des tempêtes solaires plus grandes que la Terre, et le noyau d'une comète. Dans les années 60, les sondes Mariner ont fourni aux climatologues, avec Vénus, une démonstration concrète de ce qu'est l'effet de serre; dans les années 70, les sondes Viking ont fourni, avec Mars, un portrait de ce qu'est une planète dépourvue de couche d'ozone.

Et notre liste de mondes s'est élargie: en 1970, on connaissait à nos neuf planètes 31 lunes, qu'on imaginait sans grand intérêt. Aujourd'hui, on en recense 61, et la plupart se révèlent être des mondes en miniature avec des caractéristiques déroutantes: volcans actifs sur Io, lacs de méthane sur Titan et Triton, couche de glace sur Europe, sous laquelle se cache peut-être un océan.

"Dans le futur, la fin du XXe siècle sera probablement considérée comme une époque aussi importante dans l'Histoire que celle de la découverte des Amériques et des grands voyages des XVe et XVIe siècles", selon l'astrophysicien français André Brahic.

Où en serons-nous dans 40 ans? Des êtres humains auront peut-être marché sur Mars. Des engins se seront posés sur des astéroïdes. Une sonde automatique aura été envoyée sur Europe, cette mystérieuse lune de Jupiter qui abrite peut-être de la vie.

Mais si les 40 dernières années doivent servir de leçon, alors les découvertes les plus spectaculaires viendront plus probablement de là où on ne les attend pas. Des successeurs du télescope spatial Hubble, peut-être: ce n'est qu'une question de temps avant qu'on ne puisse prendre une photo d'une planète tournant autour d'une autre étoile. Qui sait où cela nous mènera?

Pourquoi dépenser tant d'argent et d'efforts pour des objectifs aussi lointains, s'est-on souvent demandé depuis 40 ans? Au-delà des réponses pratico-pratiques que peuvent fournir les experts en climats ou en télécommunications, la réponse semble relever davantage de la philosophie: parce que l'humanité ne peut pas demeurer éternellement dans son berceau, aurait répondu Tsiolkovsky; parce que la Terre n'est pas à l'abri d'une catastrophe cosmique, expliquait Carl Sagan, et qu'une espèce qui dresse des plans à long terme doit s'y préparer.

Ou peut-être, tout simplement, parce que "l'homme est né pour l'infini", écrivait Blaise Pascal il y a trois siècles.