EN MANCHETTES SUR LE NET


Semaine du 10 février 1997


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Cure de rajeunissement pour le télescope spatial

Hubble sur la route des étoiles

 

Le téléscope spatial Hubble va subir une cure de rajeunissement. La navette spatiale Discovery s'est envolée à sa rencontre tel que prévu tôt mardi matin, 11 février, avec à son bord de l'équipement ultra-moderne, destiné à remplacer une partie des appareils du télescope, dont la conception remonte dans certains cas aux années 70.

Lancé en 1990, Hubble faillit passer à l'histoire comme un des échecs les plus magistraux de l'histoire spatiale: l'instrument d'une valeur de 2 milliards $, l'un des plus coûteux et des plus complexes jamais mis en orbite, se révélait bassement myope, en raison d'un défaut du miroir principal. Pas aussi myope qu'une taupe, mais suffisamment pour générer des moqueries sur le parquet du Congrès américain, et jusque dans le film Naked Gun 21/2.

Aujourd'hui, cela appartient au passé: depuis sa réparation en décembre 1993 grâce à la navette spatiale, le télescope spatial, le premier du genre dans l'histoire de l'humanité, a révolutionné l'astronomie, a élargi la famille des galaxies et de toute la ménagerie céleste, et a fait reculer dans le temps nos connaissances sur les débuts de l'Univers.

Tout récemment, il a apporté des preuves solides quant à l'existence de trous noirs au centre de la plupart des galaxies, dont la nôtre (voir les capsules du 20 janvier). Il a contribué à mieux faire comprendre la façon dont se forment les étoiles. Il a retracé la présence d'éléments lourds, comme le carbone et l'oxygène, dès les premiers âges de l'Univers. Beaucoup plus près de nous, Hubble a fourni, en 1994, des images de la collision entre les fragments de la comète Shoemaker-Levy et Jupiter. Il a découvert l'existence d'une très fine atmosphère d'oxygène autour de deux des lunes de Jupiter, Europe (article en français) et Ganymède (résumé des découvertes, en anglais).

Mais sa plus grande contribution à la science restera sans doute l'avancement des connaissances sur les premiers temps de l'univers -et les controverses qu'il a fait surgir sur l'âge de l'univers: 10, 15 ou 20 milliards d'années? (un article en français est paru dans Québec Science en décembre 1994).

Et il y a eu cette image, qui a frappé l'imagination en novembre 1995: ces colonnes de gaz titanesques, dans la nébuleuse de l'Aigle. Des colonnes tellement immenses qu'elles pourraient abriter plusieurs fois notre système solaire: ce sont des "pouponnières stellaires" -c'est-à-dire un lieu où des étoiles sont en train de naître. Ces colonnes étranges, dont la taille dépasse l'imagination humaine, sont à 7000 années-lumière de la Terre, ce qui signifie que nous les voyons telles qu'elles étaient alors que les civilisations égyptiennes et mésopotamiennes n'avaient pas encore été érigées. Les mystiques s'en sont donnés à coeur joie: certains affirment avoir vu dans ces photos des fantômes, le royaume des cieux, ou même la figure de Jésus.

Il y a un risque dans la mission Discovery de cette semaine (dont le lancement avait failli être retardé, apprenait-on samedi). Après tout, admet au Washington Post le scientifique en chef du Projet Hubble, Edward J. Weiler, Hubble fonctionne à merveille: est-on vraiment sûr de l'améliorer en procédant à ces réparations?

Mais on n'a pas vraiment le choix: lorsque Hubble fut construit par la Nasa, avec l'aide de l'Agence spatiale européenne, il était prévu qu'il soit "rénové" régulièrement -seule façon pour lui de pouvoir fonctionner jusqu'en 2005. Les astronautes devront entre autres remplacer les piles d'alimentation à énergie solaire, que l'exposition aux radiations endommage très vite (lire à ce sujet l'article du Daily Telegraph).

Pourquoi un télescope spatial?

Le fait d'avoir un télescope en orbite constitue pour les astronomes l'aboutissement d'un rêve de près d'un siècle. Il faut savoir que sur Terre, l'atmosphère agit à la manière d'un écran. Elle n'empêche pas les astronomes de voir le ciel, mais elle brouille leurs observations: pensons par exemple au scintillement des étoiles. En réalité, une étoile ne scintille pas -elle brûle d'un feu continu, comme notre Soleil. Si nous voyons les étoiles scintiller, c'est parce qu'elles sont très éloignées -et qu'il suffit du passage de quelques poussières dans l'atmosphère pour nous les cacher pendant une fraction de seconde.

Pour reprendre un exemple couramment utilisé par les astronomes: observer les étoiles à partir de la Terre, c'est comme observer les nuages en s'asseyant au fond d'une piscine. Avec Hubble, les astronomes sont pour la première fois sortis de la piscine.

Depuis son lancement au début de 1990, quelque 2000 scientifiques de plus de 20 pays, et leurs équipes, ont obtenu du temps d'observation sur Hubble. Plus de 1346 articles ont été produits.

Ces observations ont par la suite permis d'en faire d'autres avec les plus puissants observatoires terrestres. Le Washington Post, dans un long dossier qui mérite le détour, explique: "D'autres (scientifiques) utilisent les données d'Hubble pour faire d'importantes découvertes, puis se tournent vers les grands télescopes au sol pour poursuivre le travail qu'Hubble ne peut pas faire. Et ce suivi, de par sa nature, ne génère souvent pas d'images spectaculaires qui attirent l'attention des médias."

Même les astronomes qui trouvent qu'on attache trop d'importance à la moindre découverte d'Hubble, reconnaissent qu'il a contribué à rapprocher l'astronomie du grand public. "Les conférences de presse régulières d'Hubble donnent un exemple louable de la façon dont on peut expliquer clairement aux contribuables comment leur argent a été dépensé et pourquoi la recherche est importante -une façon de faire que davantage de scientifiques devraient adopter."

Certaines des images d'Hubble se retrouvent en couverture des magazines, dans les écoles, et sur des t-shirts. Le Space Telescope Science Institute (STScI) de Baltimore, reçoit régulièrement des appels d'étudiants, d'enfants, et de toutes sortes de citoyens. Des gens appellent pour dire qu'une photo vue dans un magazine "a changé leur vie". D'autres croient que les scientifiques cachent les preuves qu'ils ont obtenu de la Création, et que le Vatican a une sorte de contrôle sur ce qui peut et ne peut pas être rendu public...


Les "officiels"

Images du télescope spatial Hubble

La mission de la navette spatiale, STS-82

Description technique du télescope spatial


Recherche et rédaction: Pascal Lapointe. Cet article a été mis en ligne le 10 février 1997 à 13 h 30. Corrigé le 11 février à 19 h 55.