En manchettes la semaine dernière:
Faut-il avoir peur de la dioxine?
A lire également cette semaine:
Chinois dans l'espace, la suite
Fin de la série noire
américaine
A la recherche des reliques
du Big Bang
Vive le feu!
Internet: le billet d'entrée
du Tiers-Monde
Et plus encore...
Archives des manchettes

LE KIOSQUE
Pour être branché sur la science
Notre nouvelle section:
Capsules québécoises
Qui sommes-nous?

Retour à
la page d'accueil

En manchettes sur le Net est
une production Agence Science-Presse
 |
La Terre entre chaud et froid
D'un côté, elle se réchauffe. De l'autre, elle
se refroidit. Portrait de la planète la plus complexe du système
solaire.
La Terre ne connaît pas un réchauffement global, mais un
refroidissement global!
Du moins, on en arrive à cette conclusion si on prend un certain
recul historique. Beaucoup de recul. Au moins 50 millions d'années.
Une pointe de chaleur avait été atteinte au début de
la période appelée Eocène, alors que les mammifères
commençaient tout juste à gravir les échelons -soit
peu de temps après la disparition des dinosaures. Plus précisément,
la Terre aurait été alors, en moyenne, de 5 degrés
plus chaude qu'aujourd'hui -et de 16 degrés plus chaude autour de
l'Antarctique! Depuis,
ce sommet n'a plus jamais été atteint; notre planète
s'est progressivement refroidie, le creux de la vague ayant été
atteint lors des ères glaciaires des deux derniers millions d'années.
En soi, cette vision n'est pas nouvelle: tous les enfants ont déjà
vu ces images de dinosaures gambadant au milieu d'un décor tropical,
témoignage d'une planète jadis beaucoup plus chaude qu'elle
ne l'est aujourd'hui. La vision n'est pas nouvelle, mais une équipe
britannique vient d'apporter les chiffres les plus précis jamais
avancés, à partir d'une étude des profondeurs de l'Océan
Pacifique. Et plus important encore que ces chiffres, les chercheurs tentent
d'avancer une explication quant à ce "refroidissement global".
D'emblée, est écarté le coupable auquel tout le
monde pensait: le dioxyde de carbone ou CO2. Son niveau,
écrivent dans Science Paul Pearson et Martin Palmer, n'était
probablement pas plus élevé dans l'atmosphère d'il
y a 50 millions d'années qu'il ne l'est maintenant. Pourtant, on
sait que dans notre monde à nous, le dioxyde de carbone porte une
lourde responsabilité: ce sont les émissions de gaz à
effet de serre, donc en grande partie du CO2 (gaz d'échappement
des automobiles, fumées d'usines, etc.), qui pourraient être
les agents de réchauffement de notre planète.
Une deuxième étude, indépendante de celle de Palmer
et Pearson, arrive à une conclusion similaire dans la dernière
édition de Paleoceanography: même lorsque le climat
fluctue, y lit-on, les niveaux de CO2 demeurent à
peu près constants.
La conclusion est donc élémentaire: ou bien le climat est
extraordinairement sensible aux plus minimes variations de CO2,
ou bien quelque chose d'autre que le CO2 est responsable
du refroidissement global. Par exemple, les changements dans les courants
océaniques, changements qui sont peut-être le résultat
de déplacements de plaques tectoniques.
Pour le paléoclimatologue Thomas Crowley, de l'Université
A&M du Texas, interrogé par Science, cette démonstration
est extrêmement importante, parce que ça pourrait bien être
tout le "modèle CO2 standard" qui
est en train de s'écrouler devant nous. Du moins, tant qu'il s'agit
d'expliquer les variations climatiques à très long terme.
Mais pour le court terme, c'est autre chose. Sur une échelle d'un
tout petit siècle, le CO2 pourrait effectivement
demeurer un agent de changement important. Si important qu'au cours des
deux prochaines décennies -autant dire demain, à l'échelle
planétaire- le réchauffement global pourrait entraîner
une "fermeture" complète de l'une des deux "pompes"
qui alimente les profondeurs de l'Océan Atlantique. Fermeture entraînant
à son tour rien de moins que l'interruption des courants du Labrador.
Ces conclusions brutales, on les doit à un
modèle informatique des courants océaniques, le premier
modèle du genre, qui a eu l'honneur d'une publication cette semaine
dans Nature. Inutile de dire que la fermeture d'un pareil robinet
-qui pourrait survenir dans moins d'un quart de siècle- aurait des
conséquences catastrophiques sur les climats de part et d'autres
de l'Atlantique, et en particulier en Europe: bouleversements pour la faune
marine et terrestre dont les sources de nourriture s'effondrent ou déménagent.
Quelle est la probabilité d'un tel scénario? Difficile
à dire: des incertitudes subsistent, à tel point que les auteurs
ont bâti un scénario "optimiste" -qui prévoit
un bouleversement, mais sans fermeture du robinet- et un "pessimiste"
-qui prévoit un chambardement complet entre les années 2000
et 2030. Autrement dit, si ça doit se produire, ça va se produire
vite. |