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Faut-il avoir peur de la dioxine?
Dioxine par-ci, dioxine par là... Panique injustifiée
ou risque réel? Un peu des deux, mais tout de même beaucoup
plus de l'un que de l'autre.
Depuis le début de la "crise de la dioxine", le 30 mai
-ou crise du poulet contaminé à la dioxine- on a beaucoup
cité en exemple la maladie de la vache folle et tous les soubresauts
économiques qu'elle a entraînés, à commencer
par le retrait de la viande de boeuf britannique des étalages européens.
Et si les deux crises n'ont, d'un point de vue scientifique, absolument
rien à voir, elles sont étroitement liées sur un plan:
la perception qu'a le public de ce qu'il mange. Difficile, désormais,
de le convaincre que son assiette est un milieu tout à fait sécuritaire...
Il faut surtout voir la vitesse effrenée à laquelle cette
"contamination" -ou, pour être exact, la crainte d'une contamination-
s'est répandue: selon l'hypothèse la plus couramment admise,
tout serait parti, très bêtement, l'an dernier, de deux entrepreneurs
belges, dirigeants d'une entreprise spécialisée dans la production
de graisse animale pour la nourriture des animaux d'élevage. Les
deux petits génies, père et fils, auraient décidé,
selon une interprétation qui reste toutefois à confirmer,
d'ajouter de l'huile à moteur dans leur recette, dans le but d'accroître
le volume de nourriture. Résultat: quelque 80 000 kg de nourriture
contaminée à la dioxine ont été expédiés
à des élevages de volailles et de porcs, au fil des mois.
On sait déjà que le niveau de dioxine dans les produits
du porc touchés dépasse dans certains cas 1500 fois la limite
autorisée; on ignore ce qu'il en est de la volaille.
Pour ajouter l'insulte à l'injure, les politiciens belges n'ont
pas mieux réagi, eux qui étaient au courant de la chose depuis
avril et qui ne l'ont admis qu'à la fin-mai -une réaction,
si on peut parler de réaction, qui
a entraîné la démission de deux ministres belges.
Bref, un cas flagrant d'incompétence ou d'aveuglement chez des
producteurs, doublé d'un scandale politique. La routine, quoi.
Mais une fois cela admis, il faut remettre les pendules à l'heure.
Oui, le niveau de dioxine est élevé, mais pour vraiment mettre
votre santé en danger il faudrait, calcule Libération, "consommer
lesdits poulets chaque jour pendant des mois".
Des quatre coins de l'Europe, les ministres, ne voulant pas finir comme
leurs deux collègues belges, interdisent à qui mieux mieux:
en Grande-Bretagne par exemple, interdiction
de l'entrée de la volaille et des porcs belges sur le territoire,
et destruction des stocks... tout en signalant que les risques sont "infiniment
petits". En France, embargo
sur tous les animaux en provenance de Belgique -vous avez bien lu, TOUS
les animaux. Et à l'échelle de l'Europe, interdiction décrétée
par la Commission européenne, à "toutes
les productions susceptibles d'avoir été contaminées
par de la dioxine", ce qui est moins large qu'en France, mais tout
de même déjà pas mal: les poulets et les produits dérivés
contenant plus de 2% d'oeufs (pâtes, glaces, mayonnaises, biscuits,
etc.), mais aussi -alors que le comité vétérinaire
n'a pourtant pas encore rendu son verdict là-dessus- la viande de
porc et de boeuf ainsi que les produits dérivés, datant du
15 janvier au plus tard. Ca fait beaucoup.
Mesures exagérées? D'une part, l'interdiction est plus
facile à émettre qu'à appliquer: retirer du marché
"tous les aliments susceptibles d'avoir été contaminés
par la dioxine belge" s'avère un casse-tête pratiquement
impossible à résoudre, tant, justement, l'éventail
des produits touchés est immense -et les ressources pour départager
ces produits, limitées. Et où arrête-t-on? Faut-il inclure
les poulets français? Ainsi que les porcs et les bovins?
D'autre part, et ceci est encore plus important, "on ne sait pas
quel est le niveau réel de risque" admet à Libération
Martin Hirsch, directeur de l'Agence française de sécurité
sanitaire des aliments. On sait que la dioxine est un puissant contaminant.
Rejeton
de l'industrialisation, ce produit a été retrouvé
ces dernières années jusque dans le lait maternel, et a pour
particularité de s'accumuler dans le gras animal... et humain, où
il peut séjourner plus de 30 ans, provoquant cancers, maladies de
la peau et affaiblissement des défenses immunitaires. Mais ses effets
varient considérablement en fonction de la dose ingurgitée,
et de la durée. Une bouchée de poulet, ou même un poulet
complet, quand bien même la dose de dioxine y dépasserait de
1500 fois la dose permise (741 picogrammes par gramme de matière
grasse, pour être exact), n'est pas dangereux pour la santé.
Toute comparaison avec la vache folle est donc exagérée:
bien que cette "contamination" ait commencé l'an dernier,
il n'y a eu nulle part mort d'hommes. Et personne n'est soupçonné
d'avoir joué avec la nature, en
transformant des herbivores en carnivores, comme cela avait été
le cas en Grande-Bretagne (ces vaches nourries avec de la farine produite
à base de graisse animale, qui avait été le vecteur
de transmission de la maladie).
Les responsabilités n'en seront que plus difficiles à distribuer... |