En manchettes la semaine dernière:
Les aventuriers du navire perdu
A lire également cette semaine:
Le stress fait perdre
la mémoire
Une nouvelle crise du pétrole?
Un million d'années
d'histoire du feu
Et plus encore...
Archives des manchettes

LE KIOSQUE
Pour être branché sur la science
Notre nouvelle section:
Capsules québécoises
Qui sommes-nous?

Retour à
la page d'accueil

En manchettes sur le Net est
une production Agence Science-Presse
 |
Six cadavres, un virus et une enzyme
Une équipe de scientifiques de quatre
pays a commencé la semaine dernière à déterrer
des cadavres, à 966 km du Pôle Nord. La recherche d'une réponse
à un mystère vieux de 80 ans.
Il y a 80 ans, au lendemain de la Première Guerre mondiale, un
virus que l'on allait connaître sous le nom de grippe espagnole tuait
plus de 20 millions de personnes en quelques mois, et puis, disparaissait
sans laisser de traces. A ce jour, on ne sait toujours pas d'où il
venait, comment il a pu frapper aussi vite et avec une telle vigueur, ni
ce qui l'a fait partir.
Mais depuis le début de la semaine dernière, une équipe
de 15 scientifiques provenant de quatre pays -Canada, Etats-Unis, Grande-Bretagne
et Norvège- se trouve dans un petit village de l'île de Longyearbyen,
à l'extrême Nord de la Norvège, dans l'espoir d'obtenir
la réponse: ces
experts se sont rendus là-bas pour déterrer six cadavres,
six jeunes hommes décédés de la grippe espagnole en
octobre 1918; six personnes qui, parce qu'elles ont été enterrées
à seulement 966 km du Pôle Nord, donc dans le permafrost -de
la terre gelée en permanence- pourraient toujours contenir en elles
une "version originale" du virus. Comme s'il avait été
conservé au congélateur.
La mission, envisagée depuis cinq ans, n'est pas sans susciter
la controverse. Quelques-uns craignent évidemment un réveil
du virus avant qu'on n'ait pu l'isoler, même si la plupart des experts
s'entendent pour dire qu'après huit décennies, il est peu
probable qu'il subsiste un seul échantillon vivant de ce micro-organisme.
Les 15 scientifiques ont donc dû transporter, sur cette terre isolée
de 1500 habitants dépourvue de tout équipement médical
de pointe, une batterie d'équipements de décontamination et
d'isolation.
Même un échantillon mort pourrait toutefois être d'une
valeur inestimable pour ceux qui tentent de mettre au point des vaccins
contre des souches inédites de virus, disent tous ceux qui font la
promotion d'une telle expédition depuis plus de cinq ans -une semblable,
en Alaska, avait abouti à un échec.
Sauf que pendant qu'avait lieu le débarquement dans cette île
de l'Arctique, d'autres scientifiques, bien au chaud dans leur laboratoire,
annonçaient avoir découvert
une enzyme dont la particularité serait justement de rendre mortelles
certaines souches du virus de la grippe. Plusieurs n'ont pas manqué
de faire le lien avec la grippe espagnole, soulignait CNN la semaine dernière.
Dans un article paru dans les Proceedings of the National Academy
of Sciences, Yoshihiro Kawaoka et ses collègues de l'Université
du Wisconsin écrivent en effet que la souche la plus virulente de
l'influenza A utilise une enzyme appelée plasmine, qui agit comme
un renfort: on savait déjà qu'une protéine de l'influenza
A devait être coupée en deux morceaux pour pouvoir infecter
les cellules saines, et que les enzymes appelées protéases
se chargeaient de ce travail. Il semble d'après la dernière
étude que la plasmine vienne s'ajouter à l'arsenal pour aider
à "diviser" la protéine.
Pour arriver à cette découverte, les chercheurs se sont
penchés sur une souche du virus que l'on suppose être une descendante
de la souche responsable en 1918 de la grippe espagnole. On n'a pas retrouvé
ce "mécanisme" d'utilisation d'un renfort dans 10 autres
souches de l'influenza également testées pour les fins de
l'étude. Cette découverte permet donc d'espérer une
meilleure compréhension des mécanismes derrière les
souches les plus virulentes de l'influenza.
En attendant, l'exhumation
se poursuit dans cette île de l'Arctique. Cette partie moins agréable
du travail doit durer quatre semaines, et l'analyse des échantillons,
dans des laboratoires dispersés sur deux continents, pourrait s'étaler
sur 18 mois.
***
Au fait, saviez-vous pourquoi ça s'appelait "grippe espagnole"?
Parce que l'Espagne était un pays neutre pendant la Première
Guerre mondiale. Pour cette raison, elle avait été le premier
pays à admettre publiquement l'existence d'une épidémie...
pendant que ses voisins, en guerre, préféraient garder la
chose secrète
|