La crevette à l'assaut des marchés
(ASP) - Les produits de la mer, comme les
algues et les crustacés, sont sous la loupe des
entreprises et des chercheurs, pour leur trouver des débouchés
économiques novateurs. La table est mise pour le
développement dune nouvelle économie
régionale !
La crevette est lexemple le plus probant.
Elle est, bien sûr, pêchée pour se
retrouver dans nos assiettes. Mais sa carapace commence
à offrir des produits tout aussi alléchants,
pour les entreprises cette fois. La compagnie Pêcheries
Marinard Ltée de la Gaspésie, par exemple,
extrait de ce " déchet ", le
chitosane, qui peut avoir plusieurs applications, tel
que biofiltre dépuration deau ou même
médicament (voir
ce texte). Mais ce nest pas tout.
Pierre Blier, du Département de biologie
de lUniversité du Québec à
Rimouski (UQAR), a participé à la création
dune compagnie qui tente de revaloriser les produits
de la mer. La compagnie, Aquabiochem, dont le siège
social est à Rimouski, utilise aussi les carapaces
de crevettes. C'est que dans une carapace, on peut d'abord
récupérer des protéines, essentielles
à notre alimentation. Des substances dites antioxydantes,
comme les ataxanthines, se retrouvent également
dans la carapace de la crevette. Or, à travers
le monde, les antioxydants sont très recherchés
par les scientifiques qui planchent sur de nouvelles façons
de prévenir le cancer.
Pour Pierre Blier, les marchés pharmaceutiques
présentent toutefois beaucoup de risques et demandent
plus dinvestissements que le marché de lalimentation,
le secteur privilégié par sa compagnie.
Pour extraire ces composés, il faut
dégrader la carapace par des méthodes biochimiques
-littéralement, la sécher, pour ensuite
la réduire en poudre. Le résultat peut alors
être mis en capsules, selon l'usage qu'on veut en
faire. Des techniques chimiques ou enzymatiques permettent
aujourd'hui de concentrer et de mieux séparer les
saveurs de ces bestioles, largement utilisées dans
l'industrie agro-alimentaire, la plupart du temps sous
forme de bouillon.
Les crevettes ne sont pas les seules espèces
exploitables. En fait, toutes les espèces marines
(poissons, mais aussi crustacés et algues) sont
réputées être la source dune
multitude de molécules qui nont pas déquivalent
dans notre monde -sur la terre ferme. Par exemple, les
enzymes contenues dans ces organismes. En particulier
des enzymes particulières appelées protéases.
Ces dernières dégradent les protéines.
On en utilise déjà beaucoup dans l'industrie
de la transformation alimentaire, mais les espèces
du fleuve vivent dans des eaux relativement froides. Par
conséquent, leurs enzymes peuvent fonctionner à
des températures plus basses que les enzymes similaires
retrouvées chez les animaux de ferme. Des produits
alimentaires pourraient donc, en théorie, être
traités à des températures proches
de zéro, ce qui limiterait les risques de proliférations
bactériennes.
Enfin, les gras de ces bestioles marines
pourraient être utilisés dans lindustrie
de lalimentation ou des cosmétiques. Pierre
Blier mentionne que les acides gras insaturés -aussi
appelés oméga 3- bien connus pour leurs
propriétés bénéfiques sur
le système cardio-vasculaire, sont très
présents. Reste à mener des recherches afin
d'identifier quelles sont les espèces les plus
prometteuses, ainsi que les types de gras quon y
retrouve.
À lUQAR, on espère pouvoir
participer activement au développement de ce nouveau
domaine, en créant un centre de recherche en biotechnologies
marines. Ce centre permettrait daider les entreprises
de la région en identifiant de nouveaux produits,
en établissant de nouvelles méthodes dextraction,
ainsi que par des services aux entreprises. Le centre
de recherche répondra dabord aux besoins
des entreprises et de lindustrie locales, principalement
axées sur le marché de lalimentaire.
Si la tendance se maintient, on ne verra
plus du tout la crevette de la même manière...