Un pour cent du génome. C’est bien peu. C’est tout ce que le consortium international ENCODE a réussi à détailler depuis son lancement en 2003. Mais ce 1%, mis en parallèle avec les séquences équivalentes de 28 mammifères (des petits rongeurs aux grands singes), donne déjà une masse énorme d’informations, suffisante pour avoir remis en question certains des « clichés » de la génétique.
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Premier cliché : les gènes serviraient uniquement à fabriquer des protéines, et les gènes qui ne fabriquent pas de protéines ne servent à rien. En termes savants, on dit : l’ADN sert à fabriquer de l’ARN qui sert à fabriquer des protéines. Or, il ressort à présent d’ENCODE (Encyclopaedia of DNA Elements) que :
- seulement 2% de notre ADN serait impliqué dans la production de protéines; - l’ADN fabriquerait pourtant au moins deux fois plus d’ARN que prévu; - on n’a aucune idée du rôle d’une partie de cet ARN, mais on se rend compte qu’une partie contribue à engendrer certains des gènes qu’on appelait jusqu’à récemment « l’ADN-poubelle » (junk DNA), ce qui implique qu’ils ne doivent pas être si inutiles qu’ils en ont l’air.
Cette explication vous paraît obscure? Rassurez-vous, elle l’est aussi pour les généticiens : « cela nous rappelle que nous n’avons pas encore vraiment répondu à la question « qu’est-ce qu’un gène », commente dans Science Alexandre Raymond, généticien médical à l’Université de Lausanne, en Suisse. Ces découvertes, avoue pour sa part au New Scientist le Britannique Ewan Birney, de l’Institut de bioinformatique de Cambridge, signifient qu’il existe encore une Terra incognita de la régulation des gènes. Une belle formule, mais qui ne nous avance pas beaucoup.
Que l’ADN-poubelle ne soit pas aussi inutile qu’on le pensait n’est pas si inattendu : il y a déjà trois ans (voir notre texte) que des chercheurs constatent que ces gènes, appelés « poubelle » parce qu’on croyait qu’ils ne servaient à rien (ils n’encodent pas de protéines), se reproduisent en réalité d’une espèce à l’autre, avec une fidélité sans faille. Il faut donc croire qu’ils doivent bien servir à quelque chose. Et c’est en gros ce qu’ENCODE vient de confirmer... sans pour autant dire ce à quoi ils servent.
Le travail d’ENCODE est colossal : 30 millions de nos paires de bases —les « lettres » de l’alphabet génétique— ont été analysées dans 44 « sites » différents de notre génome, et elles ont été analysées indépendamment dans 38 laboratoires de 10 pays. Et ENCODE ne fait que commencer : « séquencer le génome humain donnera l’impression d’avoir été facile, en comparaison de ce qu’ENCODE tente d’accomplir », résume l’Américain Eric Green, du National Human Genome Research Institute, qui a jusqu’ici injecté 42,5 millions$ et s’apprête à en ajouter 62 millions pour analyser de manière aussi détaillée le génome de la mouche à fruits et du ver rond.
Les résultats de cette semaine se détaillent en un texte publié dans Nature... et 28 textes dans Genome Research! Le projet ENCODE, prévu pour durer jusqu’en 2016, doit à présent se tourner vers l’ensemble du génome —les autres 99%. D’autres annonces intrigantes à venir?