La science ne sera pas la matière forte du gouvernement Harper. Après avoir été à couteaux tirés avec ses opposants pour ses positions sur le réchauffement climatique et, plus récemment, le redémarrage d’un réacteur nucléaire, après avoir vu certains de ses députés s’afficher comme créationnistes, voilà qu’est aboli le seul poste où un scientifique avait un accès direct au premier ministre.

Créé il y a près de quatre ans sous le gouvernement libéral, le « conseiller scientifique national » était inspiré de ce qui existe dans plusieurs pays occidentaux : les présidents français et américain, entre autres, ont, dans leur équipe proche, un conseiller scientifique. Avant 2004, le premier ministre canadien n’en avait pas eu depuis au moins trois décennies.

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Arthur Carty était président du Conseil national de recherches depuis 10 ans, lorsqu’il fut choisi par le premier ministre d’alors, Paul Martin. Détenteur d’un doctorat en chimie, il avait auparavant été professeur à l’Université de Waterloo (Ontario) pendant 27 ans.

En 2006, son poste de conseiller scientifique avait été déplacé au ministère de l’Industrie. Il y a deux semaines, il a été annoncé que le poste ne serait pas renouvelé à la fin du mandat de M. Carty, le 31 mars.

« Je suis consterné que le poste disparaisse après quatre ans, et qu’il ne soit pas devenu un aménagement permanent de la science au Canada », a déclaré Arthur Carty à la revue britannique Nature. Interrogé par l’Agence Science-Presse, il a confirmé cette déclaration, mais a dit préférer ne pas donner d’autres entrevues.

Le conseiller national était « la voix de la raison au sein du gouvernement » a regretté, sur un blogue de la CBC, Bob McDonald, l’animateur de l’émission de science Quirks and Quarks. En politique, « les décisions sont rarement prises pour des raisons purement scientifiques; trop souvent, les intérêts de l’industrie, des groupes d’intérêt particulier ou un public mal informé obscurcissent la réalité. Le rôle du conseiller est de fournir de la clarté et une mise en perspective. » Ce billet a généré, en deux semaines, près de 200 commentaires, largement favorables au maintien du poste.

Ces réactions sont typiques des quelques échos qu’a eus cette nouvelle au Canada anglais. Les critiques, parmi lesquels la chef du Parti Vert, Elizabeth May, n’ont pas manqué de faire un parallèle avec le congédiement de Linda Keen, présidente de la Commission de sécurité nucléaire, et ont accusé le premier ministre de vouloir « museler » la science, spécialement si elle aboutit à des conclusions qui dérangent. En chambre, le député libéral Scott Brison, critique en matière d’Industrie, a accusé le premier ministre de faire paraître le Canada « comme la Société de la Terre plate ».

En réponse, le ministre de l’Industrie Jim Prentice a affirmé le 30 janvier que son gouvernement avait au contraire « renforcé sa stratégie scientifique » par la création, en juin 2007, d’un comité d’experts (le Conseil des sciences, de la technologie et de l’innovation) chargé de conseiller « le gouvernement ». L’influence qu’aura ce comité auprès du conseil des ministres, et plus encore du premier ministre, n’est toutefois pas claire.

Le bureau du conseiller scientifique était doté d’un budget trop maigre (un million) et d’un mandat trop vague, avaient reproché les observateurs en 2004. Au cours de ces quatre années, Arthur Carty a tout de même été derrière la création d’un Conseil des Académies canadiennes, un organisme privé à but non lucratif inspiré de l’Académie des sciences des États-Unis, qui publie ou supervise des études indépendantes sur des sujets d’actualité. Selon Nature, Carty a également contribué à faire du Canada un chef de file de l’Année polaire internationale. Mais son projet d’une consultation nationale sur le financement des grands projets scientifiques, n’a jamais vu le jour.

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