Les scientifiques d’un peu partout continuent de chercher la preuve de l’existence de la matière sombre. Et leur dernier échec... a été accueilli par une bonne main d’applaudissements!

Il est rare que des « non-résultats » soient accueillis avec enthousiasme. Ici, c’est parce que cet échec marque, malgré tout, une étape importante : l’un des plus puissants détecteurs de matière sombre du monde, installé au fond d’une mine du Minnesota, vient d’entrer en fonction; et ses premiers résultats, présentés le 22 février lors d’un congrès en Californie, donc ceux de ses nouveaux instruments, qui atteignent un plus haut niveau de sensibilité que jamais, ne révèlent rien. Sauf que ces instruments ne fonctionnent pas encore à plein rendement: les physiciens étaient donc heureux d’apprendre qu’on avait en quelque sorte franchi une nouvelle étape... même si on n’avait encore rien trouvé!

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Tout ceci vous semble un peu obscur? Vous n’êtes pas le seul, puisqu’un journal du Minnesota n’a rien trouvé de mieux comme titre que : « Des scientifiques bâtissent une grosse machine dans un gros trou du Minnesota ».

Ce qui, on en conviendra, est un titre plus facile à comprendre pour le non-initié que le Détecteur cryogénique 2 de matière sombre fait chou blanc. Ou : les cristaux de germanium et de silicone du détecteur entrent en scène à 700 mètres de profondeur. Ou : une nouvelle génération de détecteurs de matière sombre engagée dans une course mondiale à la détection de super-particules.

Une course à la matière sombre? Eh oui, course il y a : au cours des prochaines années, les détecteurs de nouvelle génération devraient se multiplier aux quatre coins du monde, et chacun de leurs promoteurs est convaincu d’avoir trouvé « la » technique qui lui permettra d’être le premier à détecter ces particules massives qui, croit-on, composent la matière sombre.

Le plus célèbre est le Large Hadron Collider, qui doit entrer en fonction plus tard cette année, à la frontière franco-suisse (voir ce texte et celui-ci).

Nul n’espère les « voir » directement : on espère plutôt détecter le moment où elles interagissent —une collision, en quelque sorte— avec « nos » particules. Ce sont ces interactions qu’un détecteur d’une extrême sensibilité est censé détecter : et le jour où il les détectera, s’il les détecte (voir l'encadré), on aura le premier indice concret de l’existence de cette « matière ». Une matière qui est peut-être mal nommée, puisqu'on ne sait rien d'elle, à part qu'elle compose 85% de la matière du cosmos.

C'est un peu comme si vous vous pesiez, et que 85% du poids indiqué par la balance ne correspondait à rien de ce que vous pouvez voir, sentir ou toucher. On a vu des gens sombrer en dépression pour moins que ça!

Pour l’instant en effet, la matière sombre n’existe que dans des équations et dans l’imagination des physiciens. Tous les calculs sur le « poids » du cosmos concordent, et ce depuis aussi loin que les années 1970 : une fois qu’on a « pesé » planètes, étoiles et galaxies, il manque 85% de ce que le cosmos semble contenir, considérant la façon dont étoiles et galaxies interagissent entre elles par l’intermédiaire de la gravitation.

Autrement dit, il y a bel et bien là quelque chose qu'on ne peut ni voir ni détecter, puisqu'il interagit, de la même façon que la Lune et la Terre interagissent entre elles.

C’est un mystère qui ne devrait pas vous empêcher de dormir, mais qui a fait faire bien des nuits blanches à bien des physiciens, et ce n'est pas fini...

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