En utilisant une énergie équivalente au Soleil et en brûlant les étapes, des physiciens autrichiens, américains et québécois ont réalisé ce que personne n’aurait cru possible aussi vite : ils ont téléporté des souris et des grenouilles.

Il est trop tôt pour savoir si la technologie serait utilisable par des humains, comme dans la télésérie Star Trek . Et même si elle était utilisable de manière sécuritaire, ce serait à un coût prohibitif. Mais « c’est un pas de géant pour la physique théorique », a commenté hier pour l’Agence Science-Presse le physicien Normand Mousseau, de l’Université de Montréal, qui a participé à la recherche, à paraître dans la prochaine édition des Physical Review Letters.

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C’est depuis 1993 que des chercheurs —dont le Québécois Gilles Brassard, lui aussi à l’Université de Montréal— gravitent autour de ce qu’ils appellent la téléportation quantique. En 1997, une équipe dirigée par le physicien autrichien Anton Zeilinger publiait dans Nature les résultats d’une première « téléportation quantique expérimentale » : rien de plus qu’une paire de photons —les « particules » qui composent un rayon de lumière— mais la voie était tracée. En 2004, deux équipes indépendantes, aux États-Unis et en Autriche, annonçaient avoir téléporté des « états quantiques » d’un atome à l’autre : l’équivalent d’un transfert d’information, au terme duquel le second atome acquiert les propriétés du premier.

De là à « transférer les informations » contenues dans les atomes d’un être vivant, il n’y avait qu’un pas. En théorie, il aurait fallu pour cela une énergie phénoménale, supérieure à ce que toutes les industries humaines ont produit depuis des siècles. « Nous avons contourné l’obstacle », explique Normand Mousseau. En prenant en compte le principe de Heisenberg, qui postule qu’il est impossible de connaître avec certitude la position d’une particule, « nous avons utilisé de vastes ensembles d’atomes comme noeuds de mémorisation, ce qui a permis d’économiser temps et énergie dans la reconstitution des animaux, à l’arrivée. »

En gros, c’est l’équivalent de ce que font ces millions d’internautes qui ont téléchargé dans leur ordinateur le logiciel SETI@Home: ils se partagent l’analyse de montagnes de données, épargnant temps et énergie aux ordinateurs du projet.

En tout, sept souris et sept grenouilles ont été téléportées avec succès sur une distance de quelques mètres, soit d’une extrémité à l’autre du laboratoire de l’Institut de physique expérimentale à l’Université d’Innsbruck, en Autriche.

Il subsiste toutefois un problème inattendu : bien qu’en bonne santé, les souris et les grenouilles se sont retrouvées, à l’autre bout de la « transmission », avec des gènes mutants, plus précisément des gènes de truites. Les recherches se poursuivent.

Pascal Lapointe

Ajout du 1er avril, 16h12: Bravo à ceux qui ont lu jusqu'au bout (avouez qu'une fois rendu là, c'était facile!). Nos excuses à notre collègue de la radio de Québec qui a avalé l'appât, l'hameçon et la ligne. Merci à Normand Mousseau pour sa précieuse collaboration!

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